Deux journalistes à nouveau menacés de prison à Cuba
Deux journalistes à nouveau menacés de prison à Cuba
Le 28-02-2006 à 20:33
Deux
journalistes cubains, libérés en 2004 pour raisons de santé, risquent
de retourner en prison, Reporters sans frontières dénonce une «
mascarade judiciaire »
Reporters sans frontières redoute que les convocations au
tribunal des journalistes indépendants Oscar Espinosa Chepe et Jorge
Olivera Castillo n'aboutissent à un retour de ces derniers en prison.
Les deux hommes, incarcérés lors de la vague de répression de mars
2003, avaient été libérés à la fin de l'année 2004. Ils ont l'un et
l'autre sollicité, en vain, une autorisation de sortie de l'île.
« Ces convocations intempestives au tribunal relèvent de la
mascarade judiciaire. A quoi rime de vouloir faire renoncer à leur
vocation des journalistes indépendants en sachant pertinemment qu'ils
ne céderont jamais ? Si les autorités cubaines tiennent tant à réduire
Oscar Espinosa Chepe et Jorge Olivera Castillo au silence, pourquoi
n'accèdent-elles pas à leur demande de sortie du pays ? La répression
des voix dissidentes est de toute façon vouée à l'échec », a déclaré
Reporters sans frontières.
Condamné en avril 2003 à 20 ans de prison, Oscar Espinosa Chepe a
bénéficié d'une licence extra-pénale pour raison de santé le 29
novembre 2004. « Cette licence risque d'être révoquée par la justice,
ce qui signifierait mon retour en prison. Le pays est traversé par une
nouvelle vague répressive et la presse indépendante est en première
ligne », a déclaré le journaliste à Reporters sans frontières, la
veille de sa comparution, dans la matinée du 28 février 2006, devant le
tribunal municipal de Playa (La Havane).
Condamné à 18 ans de prison en 2003 et libéré le 6 décembre
2004, Jorge Olivera Castillo est attendu le 1er mars devant le tribunal
municipal de la vieille Havane, qui l'avait déjà convoqué le 21
février. Les juges avaient alors notifié au journaliste une
interdiction de sortie de la ville et l'obligation de travailler au
sein d'une structure d'Etat. Jorge Olivera Castillo avait été averti
qu'il retournerait automatiquement en prison en cas de manquement à ces
obligations. La décision du 1er mars pourrait entériner cette mesure
car, comme il l'avait confié à Reporters sans frontières au sortir de
sa comparution du 21 février, Jorge Olivera Castillo n'a pas
l'intention de renoncer à ses activités journalistiques.
Jorge Olivera souffrait déjà d’une grave maladie intestinale
provoquant des hémorragies internes avant d’être emprisonné, mais son
état s’est considérablement aggravé dans la prison de Guantanamo.
« Les conditions de détentions etaient infra humaine, l’eau
était contaminée et la nourriture souvent pourrie. La nourriture se
résumait à une mixture de farine de mais, de haricots écrasés avec de
la farine de blé et mélangée avec de l’eau : cela avait pour nom « pâte
alimentaire ». Deux fois par mois, nous avions droit à un morceau de
poulet.
On me sortait une heure par jour, seul dans une cour, et selon l’heure
il pouvait y avoir ou de ne pas avoir de soleil. Je n’étais pas
correctement soigné et le stress et la mauvaise nourriture ont
compliqué mes symptômes. J’ai aussi attrapé des parasites à cette
époque, et je n’ai pas été correctement soigné dans l’hôpital de la
prison»
« Après 20 mois et 19 jours d’emprisonnement dans une cellule
minuscule, tu ressens comme une sorte d’étourdissement en sortant. J’ai
l’impression de perdre très rapidement la mémoire de cette époque qui a
duré si longtemps quand je l’ai vécue: c’est difficile de reprendre le
rythme de la rue quand on a vécu si longtemps au ralenti. J’ai aussi
des troubles de la vision à force de fixer un mur dans une cellule
obscure d’1,5 m sur 3 mètres. Le simple fait de lire un journal peut
devenir un problème dans ces conditions»
A son arrivée dans la prison il a d’abord été interné pendant trois
mois avec des prisonniers de droit communs.
« Nous étions 18 dans la même cellule, et il y avait un seul WC
attenant : un trou dans le sol. C’est un sous monde dangereux avec des
individus qui ont une histoire pénale tres lourde. La plupart avait été
condamné pour homicide ou trafic de drogue et certains avaient de gros
problèmes de santé mentale. Tous étaient potentiellement très
dangereux, et ca a été une punition supplémentaire de nous enfermer,
nous les détenus politiques, avec ces gens là. Il m’a fallu beaucoup de
psychologie pour accepter ces conditions et éviter d’avoir des
problèmes. »
Enfin, par décision du tribunal municipal de l'Est-Havane du 15
février, Reinaldo Cosado Alén, de l'agence indépendante Lux Info Press,
devait entamer, le 28 février, une peine de « travail correctionnel
sans internement » pour une amende de 1 000 pesos, prétendument impayée
depuis dix ans !