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19 mars 2010

Cuba est dans le déni des violations des droits de l'homme

Sept ans après le Printemps noir

"Cuba est dans le déni des violations des droits de l'homme"
Par Marie Simon, publié le 19/03/2010 à 11:30 - mis à jour le 19/03/2010 à 11:31

Sept ans après le Printemps noir, une vague de répression de journalistes et de dissidents, le régime castriste reste un symbole quasi-intouchable, notamment pour les gauches latino-américaines. Pour Benoît Hervieu, responsable du programme Amériques à Reporters sans Frontières (RSF), elles doivent aujourd'hui "couper le cordon" pour peser sur La Havane.

Mi-mars 2003, 75 dissidents et journalistes cubains étaient jetés en prison. Sept ans après ce Printemps noir, comment s'en sortent-ils?

Les "prisonniers de conscience" seraient aujourd'hui 200 dans les prisons cubaines. Evidemment, ce n'est pas ainsi que le régime les qualifie; il préfère les traiter de gusanos, de vers de terre, de traîtres à la patrie ou encore de mercenaires. Ils n'ont aucun recours et dépendent du bon vouloir des autorités qui, arbitrairement, peut suspendre une peine, confiner un ex-détenu à un quartier où des mouchards le surveillent, ou lui refuser au dernier moment une autorisation de quitter le territoire.

Parmi ces "mercenaires" arrêtés lors de cette vague de répression, figure Fabio Prieto Llorente, le filleul de LEXPRESS.fr. Que devient-il?

Il est toujours à l'isolement. Il ne reçoit toujours des soins que ponctuellement. [Il souffre d'emphysème pulmonaire (gonflement anormal des poumons) d'hypertension artérielle, de fortes douleurs au dos, d'épuisement, de gastrites..., ndlr]. Même s'il est robuste, une mauvaise alimentation l'affaiblit encore davantage. Mais, comme d'autres journalistes incarcérés, lorsqu'il discute avec sa famille, il en profite pour raconter ce qu'il observe en prison, et notamment les mauvais traitements infligés aux détenus.

Notre correspondant a aussi été mis en prison à la même période. Ricardo González Alfonso a fêté ses 60 ans derrière les barreaux, à l'isolement, après avoir subi trois opérations chirurgicales en 2008. Il a une certaine aura, il ne faudrait surtout pas qu'il meure, pour le régime... Surtout après le décès d'Orlando Zapata Tamayo qui encore entamé l'image des autorités!
La mort controversée d'Orlando Zapata (à gauche) a été suivie par la grève de la faim et de la soif du cyberjournaliste Guillermo Farinas (à droite) pour obtenir la libération de 26 prisonniers politiques malades.

REUTERS

La mort controversée d'Orlando Zapata (à gauche) a été suivie par la grève de la faim et de la soif du cyberjournaliste Guillermo Farinas (à droite) pour obtenir la libération de 26 prisonniers politiques malades.

Quel a été l'impact de la mort d'Orlando Zapata Tamayo, fin février après plus de 80 jours de grève de la faim, pour le régime cubain? Comment ont réagi les Cubains?

La population cubaine n'en dit pas grand chose étant donné que les médias comme Granma ou Juventud Rebelde, contrôlés par les autorités, n'ont pas écrit une ligne dessus, pas plus que sur la situation des droits de l'homme dans l'île en général. Les Cubains en entendent parler à la marge, via des médias étrangers ou des touristes.

Mais la mort de Zapata a mis en évidence une chose essentielle: ce régime qui se dit progressiste ne pourra pas éternellement continuer à nier que des violations des droits de l'homme sont commises sur son territoire. Pour l'heure, La Havane les passe sous silence ou se place dans le déni et met en avant le fait que "ça existe aussi ailleurs". Les propagandistes cubains venaient d'ailleurs de ressortir cinq "martyrs" du régime, qui avaient été emprisonnés aux Etats-Unis...

Y a-t-il une évolution sur ce plan depuis le retrait de Fidel Castro?

En 2006-2008, lors de la transition, on a pu espérer une petite perestroïka. Des signes d'ouverture ont été donnés par Raul Castro, quelques dissidents ont été libérés. Mais c'est terminé. Les cadres ont refusé de lâcher trop de lest, de peur de voir s'effondrer ce régime qui tient lieu de symbole unique au monde.

Un nouveau Printemps noir serait-il encore possible aujourd'hui?

Le régime ne peut pas se le permettre après avoir perdu autant de plumes récemment. Il exerce un contrôle arbitraire, convoque les journalistes et les dissidents selon son humeur, multiplie les intimidations, les arrestations ponctuelles et les perquisitions. Mais les grands procès ne passeraient plus du tout. Non, le régime ne gagnerait rien à un nouveau Printemps noir.
Des centaines de partisans des frères Castro ont conspué jeudi une trentaine de "Dames en blanc" défilant dans La Havane pour le 7e anniversaire de l'incarcération de leurs proches dissidents.

REUTERS/Desmond Boylan

Des centaines de partisans des frères Castro ont conspué jeudi une trentaine de "Dames en blanc" défilant dans La Havane pour le 7e anniversaire de l'incarcération de leurs proches dissidents.

Qui peut réellement peser sur Cuba?

A chaque critique de la communauté internationale, on observe un durcissement du régime cubain. C'est de la gauche latino-américaine que peut venir une influence positive. Ou plutôt de ces gauches des années 2000, pour qui Cuba reste un marqueur identitaire, qui ont obtenu par les urnes ce qu'elles n'ont jamais arraché par les armes, pendant les années de guerilla dans des années 1960 aux années 1980.

Parce que Cuba envoie des brigades médicales en Haïti, devrait-on éluder le fait que les prisonniers de conscience sont maltraités?

Longtemps, on n'a pas pu toucher au régime castriste, conforté par la complaisance des pays frères d'Amérique latine. Sous prétexte que ce gouvernement révolutionnaire résiste depuis 50 ans aux Etats-Unis, qu'il souffre d'un embargo, et qu'il a mis fin à une dictature, on a tu les violations criantes des droits de l'homme qui s'y déroulent.

Mais, parce que Cuba envoie des brigades médicales pour aider le peuple haïtien après le séisme de janvier dernier, devrait-on éluder le fait que les prisonniers de conscience sont maltraités? Que leurs mères, leurs soeurs et leurs femmes, celles qu'on appelle les damas de blanco, sont parfois tabassées?

Ces gauches n'ont pas encore coupé le cordon avec Cuba. Mais, à l'heure où l'Amérique latine cherche à se développer sans la tutelle nord-américaine en se dotant d'une Organisation des Etats américains (OEA) alternative, comme on l'a vu lors du sommet de Cancun, le tabou est en train de doucement sauter.
Le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva se trouvait à Cuba fin février. Même s'il exclut d'intervenir, RSF en appelle à lui pour amener le régime castriste à évoluer sur la question des droits de l'homme.

REUTERS/Ricardo Stuckert-PR/Handout

Le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva se trouvait à Cuba fin février. Même s'il exclut d'intervenir, RSF en appelle à lui pour amener le régime castriste à évoluer sur la question des droits de l'homme.

Dans un communiqué publié mercredi, RSF en appelle spécifiquement au président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva. Pourquoi lui?

Lula se trouvait à Cuba au moment où Zapata est décédé. Il a exprimé des "regrets" tardifs, exclu d'intervenir et même établi un parallèle mal placé entre les dissidents cubains et les "bandits de Sao Paulo", certes. Mais il reste le symbole de ces gauches des années 2000. Ancien syndicaliste, il a lutté contre la dictature dans son pays, fait de la prison, mais n'a jamais suivi une ligne stalinienne. Et le Brésil est la puissance régionale. Qui d'autre pourrait tenir ce rôle?

Qu'est-ce qui pourrait les amener à "couper le cordon"?

Peut-être le décès du vieux sage dans l'ombre, Fidel Castro. C'est lui le symbole. Tant qu'il est là, rien ne changera en profondeur.

http://www.lexpress.fr/actualite/monde/amerique/cuba-est-dans-le-deni-des-violations-des-droits-de-l-homme_856382.html

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