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(Pas le) Centre Ernesto Che Guevara
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15 février 2006

Si Cuba m’était conté...

Si Cuba m’était conté...

       Une fois n’est pas coutume, je vous propose le bouleversant témoignage de Sito, un des plus fidèles commentateurs de "Carte de presse", sur son expérience de plusieurs années dans l’île du bon Dr Castro.

Je suis arrivé à Cuba en mai 2001. Je vais y passer trois ans, jusqu’en 2004. Je suis arrivé de nuit et, en entrant à La Havane, avec le taxi qui me conduisait à l’hôtel, ma première impression a été d’entrer dans une ville récemment bombardée. Une ruine (...)

L’immobilité, la paralysie, la stagnation, c’était cela qui avait détruit cette ville, c’est cela que j’ai pensé dès les premières minutes. Pas besoin de démolir une maison pour la détruire, il suffit de l’abandonner à son sort; lentement, mais sûrement, elle s’écroulera. On peut faire exactement la même chose avec les humains. Et des mois après, c’est cela qui m’est apparu dans toute son horreur, ce système n’avait pas besoin de tuer en masse ses opposants, il suffisait de les abandonner, de les écarter de la vie, de les rejeter dans une non-vie pour qu’ils meurent bien lentement, bien sûrement et bien à l’abri des regards réprobateurs.

Une maison qui tombe en ruines, abandonnée, et un être qui tombe à petit feu, abandonné, meurent tous deux de leur belle mort, sans que rien ni personne ne puisse être accusé ou en porter la responsabilité. Voilà un crime qui passe inaperçu. Un crime parfait. Supprimez à un individu toute vie sociale, travail, maison, amitiés, relations, éloignez de lui jusqu’à sa propre famille, maintenez-le dans un isolement complet, avec interdiction de sortir de ce trou qu’on a creusé pour lui, même de se déplacer sans autorisation jusqu’à la ville voisine, avec les pires difficultés pour qu’il puisse se faire soigner ou pour donner à ses enfants une éducation scolaire ou universitaire, enlevez-lui jusqu’à sa maison sous prétexte que tout appartient à l’Etat, et vous aurez réussi à tuer un être humain au compte-gouttes, mais aussi efficacement que si vous lui aviez mis une balle dans la tête, avec cet avantage que personne ne saura que vous l’avez tué. Il sera mort tout seul (...)

Je suis là seulement depuis quatre ou cinq jours, je me trouve dans une sorte de bar et une jeune fille de 15, 16 ans vient s’asseoir avec moi. En parlant avec elle, je comprends qu’elle a faim (...) Je commande un poulet frit (...) Elle mange, heureuse, elle me dit qu’il y a très longtemps qu’elle ne mange plus de poulet. Elle aimerait quelque chose qu’elle n’a jamais goûté, elle voudrait savoir comment c’est. Je lui demande: "Quoi?". Des pommes, elle a vu des pommes dans une boutique à côté, on n’en voit jamais, elle voudrait en goûter une. On va en acheter, elle n’a pas mangé tout le poulet, elle en emmène pour sa famille. C’est la première fois que cette jeune fille cubaine mange une pomme dans sa vie. Je ne peux pas vous parler de ce que j’ai ressenti, ni elle non plus. Ce jour-là, à cette minute-là, j’ai juste compris (...)

J’ai honte. J’écoute le discours d’Ignacio Ramonet à la télévision cubaine. Honte qu’un vulgaire dictateur, propriétaire de onze millions d’êtres humains, se glorifie de la venue du directeur du Monde diplomatique à Cuba, et que celui-ci lui cède les droits d’auteur de son livre Propagandes silencieuses. Un livre où l’auteur nous parle d’endoctrinement, de réduction de liberté, de manipulation, de propagandes insidieuses, et qu’il vient présenter dans une des dernières dictatures totalitaires, qui justement se gave de tout ce qu’il dénonce (...)

Arrivé sur l’île, après un court séjour à Paris, j’attends de rencontrer un de mes amis, artiste-peintre. On m’annonce qu’il est mort d’une crise cardiaque. A 34 ans. Jamais souffert de la moindre pathologie. Les amis me précisent d’un air entendu qu’il venait d’être arrêté par la police et qu’il est mort en prison. Mort de mort naturelle, crise cardiaque.

Je me rappelle alors qu’avant que je parte, il était venu me voir pour que je l’aide à obtenir le papier officiel lui permettant de quitter l’île. Il savait comme moi que c’était pratiquement impossible, mais il voulait voyager, voir autre chose, me disait-il, il espérait (...), il se savait traqué. Arrêté pour avoir soi-disant détourné l’argent de la société de décoration qu’il gérait depuis des années. En fait, parce qu’il avait des activités dissidentes (...)

Et mon ami A., interrogé pendant des semaines dans la prison de la sécurité d’Etat de La Havane, à Villa Maristas. Membre d’organisations clandestines et interdites, il fut systématiquement torturé. Aucune trace de sévices, les méthodes sont bien au point. Il n’a pas pu ni voulu tout me dire de ce qu’il avait vécu là-bas. Quand je le vis, il était anéanti. Il pleurait sur mes épaules en se rappelant ce qui lui avait été fait (...) Il arrivait chez lui certains jours, et sa porte d’entrée était fracassée. Ils étaient venus tout fouiller. Il ne mettait plus de serrure à sa porte, la laissait ouverte (...)

Il devait constamment se rendre à La Havane pour des contrôles, et il lui était interdit de quitter, non pas la ville, mais son quartier. Pour tout déplacement en dehors, il devait demander une autorisation. Les vacances avec ses enfants à Guantanamo, où sa femme avait de la famille, impossible, autorisation refusée. Je parle de la ville de Guantanamo, non de la base américaine, je parle d’un lieu misérable, abandonné du monde, où survit une population indigente. Car, à côté des détenus de la base américaine, il y a des détenus beaucoup plus nombreux et totalement innocents, dont le seul crime est de demander la liberté (...)

J’ai envie de pleurer (...)

Par Sito

Cliquez sur ce lien pour lire le témoignage complet

http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=7010

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