Castro : la tragédie derrière l'illusion romantique
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Castro : la tragédie derrière l'illusion romantique
LE MONDE | 07.06.06 | 14h20 • Mis à jour le 07.06.06 | 14h20
Est-ce la révolution qui dure depuis quarante-sept ans ou le temps qui s'est arrêté depuis plus de quatre décennies à Cuba ? Jacobo Machover montre en quoi c'est la seconde réponse qui s'impose. Cet essai publié dans une nouvelle version après celle de 2004 s'adresse à tous ceux qui souhaitent comprendre comment et pourquoi la petite île des Caraïbes a échappé au mouvement général qui a balayé à la fin des années 1980 (quasi) toutes les dictatures communistes de la surface du globe. Il argumente entre passion et rigueur : la révolution suppose le mouvement, or ce qui frappe à Cuba, c'est l'immobilité.
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Mais il va plus loin, il recense les violences "destinées à faire peur à ceux qui auraient eu l'intention de relever la tête". Critique radical, voire incontrôlable, Jacobo Machover n'hésite pas à évaluer le poids et la responsabilité des "intellectuels nouvellement acquis au régime" dans cette entreprise de conquête du pouvoir absolu par Fidel Castro. Parmi les victimes de ses recherches, et cela n'est politiquement pas correct, Guillermo Cabrera Infante (mort en février 2005), dont il a retrouvé les écrits et qui, avant de devenir une figure emblématique de l'anticastrisme radical après son départ en exil (1965), "justifia les exécutions massives" et publia au début de la révolution "de véritables appels au meurtre" dans le quotidien Revolución.
Jacobo Machover rend hommage, dans son essai, à des auteurs aussi précieux qu'anonymes comme Yves Guilbert (Castro l'infidèle, La Table ronde) et Léo Sauvage (Autopsie du castrisme, Flammarion), qui, "dès les premières années, surent voir, par-delà la propagande et l'exaltation, la charge de fanatisme complaisant et aveugle que distillait la révolution cubaine".
A mille lieues, relève-t-il, des reportages enthousiastes d'un Jean-Paul Sartre publiés dans France Soir au cours de l'été 1960, sous le titre "Ouragan sur le sucre" et dans lesquels le philosophe "démontrait surtout son ignorance de l'histoire très particulière de Cuba".
Dans sa conclusion, l'auteur constate qu'en Amérique latine de nombreux "disciples de Fidel Castro et de Che Guevara ont pris le pouvoir par les urnes", ce qui a permis au gouvernement cubain de sortir de son isolement international, même si la plupart de ces chefs d'Etat "ont cessé de croire depuis longtemps au communisme ainsi qu'aux vertus du régime castriste". Il explique à quel point la rhétorique antiaméricaine du Lider maximo opère sur eux, d'autant qu'"elle fait corps avec la mobilisation altermondialiste, qui n'est pas très regardante sur les violations des droits de l'homme lorsqu'elles sont commises" à Cuba.
Entre l'échec patent du modèle cubain et la popularité internationale de Fidel Castro, qu'attend le peuple cubain ?, se demande Jacobo Machover. "Sa mort", répond l'auteur, parce que Fidel Castro, pour assurer la survie de son régime, n'a laissé aux Cubains que le choix entre l'exil et l'attente.
Alain Abellard
Article paru dans l'édition du 08.06.06
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3260,36-780528@51-707698,0.html