Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
(Pas le) Centre Ernesto Che Guevara
(Pas le) Centre Ernesto Che Guevara
Publicité
Archives
2 juin 2006

Cuba Internet

Cuba

-  Population : 11 271 000
-  Internautes : 120 000 (2002)
-  Prix moyen pour 20h de connexion : 45 euros
-  DAI* : 0,38
-  Appréciation** : situation grave

Le régime cubain tente de tenir ses citoyens à l’écart de la Toile. L’achat de matériel informatique est strictement réglementé, l’accès à Internet contrôlé et les communications électroniques étroitement surveillées. A Cuba, la consultation du Réseau peut s’avérer risquée. Les actes d’accusation de la plupart des journalistes indépendants emprisonnés en mars 2003 comportent des références à leur activité sur Internet.


La liberté d’expression est proscrite à Cuba, la plus grande prison du monde pour les journalistes. Le régime ne tolère aucune presse indépendante, trop attaché au contrôle de l’information distillée à ses citoyens. Vis-à-vis d’Internet, le gouvernement a adopté une position paradoxale. Il forme des milliers d’étudiants aux nouvelles technologies - de source officielle, près de 30 000 seraient actuellement en formation - mais empêche la grande majorité de la population d’accéder à la Toile. Le Net est parfois présenté par les autorités comme « la grande maladie du XXIe siècle », parce qu’il abreuve les internautes d’informations « contre-révolutionnaires ». Mais c’est également un atout incontournable pour le développement économique du pays, comme le répète à loisir Gonzáles Planas, le ministre cubain des Télécommunications.
Cuba est aujourd’hui l’un des dix pays du monde les plus répressifs envers la liberté d’expression sur la Toile. Ce média est réservé à une élite proche du pouvoir. Même ces quelques privilégiés n’accèdent d’ailleurs, le plus souvent, qu’à un Intranet spécialement conçu et filtré par les autorités.
Les Cubains ont trouvé des moyens de contourner cette censure omniprésente de l’Etat, achetant au marché noir des accès à Internet ou partageant les quelques connexions autorisées. Le gouvernement sévit toutefois sévèrement contre toute utilisation « illégale » du Réseau. Les tribunaux de l’île se servent d’ailleurs de plus en plus d’une accusation nouvelle, l’utilisation « contre-révolutionnaire » du Net, pour condamner des dissidents.

L’acquisition de matériel strictement contrôlée
Les restrictions matérielles sont le principal obstacle à une expansion au grand public du Réseau. D’une part, la densité téléphonique ne dépasse pas six lignes pour cent habitants. D’autre part, le coût prohibitif des communications téléphoniques internationales (deux dollars la minute vers les Etats-Unis) et la rareté des lignes internationales, accordées sur critères politiques et étroitement surveillées, empêchent toute connexion via un fournisseur d’accès situé à l’étranger.
Les équipements nécessaires, y compris les plus récents, ne sont disponibles que dans les magasins d’Etat spécialisés, accessibles uniquement aux personnes autorisées. En outre, un arrêté du ministère du Commerce intérieur interdit, depuis janvier 2002, la vente aux particuliers dans les magasins d’Etat « d’ordinateurs, d’imprimantes, de machines à polycopier, photocopieuses et tous autres instruments d’impression de masse ». Si un tel achat est considéré comme indispensable, une autorisation doit être sollicitée auprès du ministère du Commerce intérieur. Les modems étaient déjà avant cette date interdits à la vente au public. Internet à Cuba apparaît, dans ces conditions, comme un phénomène limité, alors que les entreprises informatiques cubaines démontrent une parfaite maîtrise de cette nouvelle technologie.

L’accès à Internet soumis à autorisation
Le gouvernement a légiféré dès l’apparition d’Internet sur l’île. En juin 1996, le décret-loi 209, intitulé « Accès depuis la République de Cuba au réseau informatique global », précise que son utilisation ne peut se faire « en violation des principes moraux de la société cubaine ou des textes de loi du pays », et que les messages électroniques ne doivent pas « compromettre la sécurité nationale ».
Les Cubains souhaitant disposer d’un accès à Internet ou utiliser les points d’accès ouverts au public doivent, pour obtenir l’accréditation obligatoire, fournir une « raison valable », et signer un contrat d’utilisation aux clauses restrictives. La procédure requiert, comme pour le téléphone, l’accord d’ETEC SA, unique opérateur de télécoms du pays, puis d’une commission locale dépendant du Comité de défense de la révolution, qui évalue les mérites du demandeur.
Selon le décret-loi 209, l’accès est accordé « en vertu de règlements donnant la priorité aux entités et institutions pouvant contribuer à la vie et au développement de la nation ». Peuvent y prétendre à ce titre, en dehors des ambassades ou des sociétés étrangères, les personnalités politiques, les hauts fonctionnaires, les intellectuels, universitaires, chercheurs et journalistes officiels, les cadres des entreprises culturelles tournées vers l’exportation ou des entreprises d’informatique, ainsi que la hiérarchie catholique.
Le 13 janvier 2000, un ministère de l’Informatique et des Communications a été créé pour « réguler, diriger, superviser et contrôler la politique cubaine en matière de technologies de la communication, l’informatique, les télécommunications, les réseaux informatiques, la radiodiffusion, le spectre radioélectrique, les services postaux et l’industrie électronique ».

Les messageries électroniques sous surveillance
Depuis septembre 2001, dans les points d’accès ETEC SA, les Cubains peuvent accéder à un service de courrier électronique national sans se connecter sur le Web, après avoir obtenu une adresse e-mail personnelle. Une carte nominative d’accès limité à ce service coûte 3,5 euros pour un usage de trois heures (le salaire moyen mensuel d’un Cubain tourne autour de 10 euros). Les cartes sont nominatives. Chaque acquéreur doit justifier de son identité, remplir un formulaire détaillé, et ses coordonnées sont enregistrées. Le fournisseur d’accès peut ainsi contrôler tout courrier reçu ou envoyé avant de l’émettre ou de le délivrer à son destinataire. Selon des déclarations officielles, Cuba compterait aujourd’hui 480 000 comptes mail.

Des salles Internet pour accéder... à un Intranet
Les Cubains, sauf s’ils disposent d’une autorisation formelle des autorités, ne peuvent accéder à Internet à partir d’un point d’accès public. Le Web est ouvert uniquement aux touristes, à un tarif prohibitif (environ 6 euros de l’heure), dans les hôtels et quelques cybercafés.
Le gouvernement a mis en place des salles Internet, le plus souvent dans les bureaux de poste, où les Cubains accèdent à leur messagerie électronique ainsi qu’à un Intranet, Tu Isla (ton île), constitué de sites sélectionnés par les autorités. Tu Isla comprend notamment les radios et télévisions d’Etat qui diffusent leurs programmes en ligne. Pour utiliser ces points d’accès publics, il est obligatoire de s’inscrire sur un registre et de montrer une pièce d’identité.

Le Net au marché noir
La diffusion, même très restreinte, des nouvelles technologies et des accès Internet a suscité un petit marché noir du Web, encore marginal mais déjà organisé. Certains ayants droit louent notamment leurs login et mot de passe, pour environ 60 dollars par mois (l’équivalent de six mois de salaire moyen). D’autres accueillent les surfeurs sur leur propre point d’accès, et facturent la connexion au temps écoulé. Certains employés des points d’accès ETEC SA accordent volontiers une séance de surf à leurs amis et relations, certains moyennant finance. Enfin, des témoins affirment que des Cubains auraient pu introduire dans l’île des paraboles et des modems leur permettant de se connecter par satellite (Starband ou DirecPC), l’abonnement étant réglé directement aux Etats-Unis (de l’ordre de 500 dollars la mise en service, puis 100 dollars par mois).
Un marché noir d’adresses e-mail a vu le jour et profite aux rares Cubains disposant d’un ordinateur. Le 1er janvier 2001, une Agence de contrôle et de supervision (ACS) a été créée au sein du ministère de l’Informatique et des Communications, chargée notamment de traquer ceux qui feraient "un usage indu des réseaux informatiques". Cité dans un article du quotidien Granma publié le 23 avril 2003, Carlos Martínez Albuerne, directeur d’ACS, rapporte que, en 2002, des sanctions ont été prises contre 31 personnes pour ce motif ou « pour avoir utilisé des messageries électroniques qui ne leur appartenaient pas ». L’article ne précise pas les « sanctions » infligées.

Des journalistes emprisonnés pour leurs écrits sur le Net
Vingt-sept journalistes indépendants ont été arrêtés en mars 2003, faisant de l’île la plus grande prison du monde pour la profession. Ils ont été condamnés à des peines allant de 14 à 27 ans de détention. Leurs actes d’accusation comportent pour la plupart des références à leur activité sur Internet. En effet, ils utilisaient pour la plupart des sites Internet basés aux Etats-Unis pour publier leurs articles. Parmi eux :
- Raúl Rivero Castañeda, poète, journaliste et écrivain est accusé, entre autres, d’avoir
publié des textes « contre-révolutionnaires » sur le site américain Cubanet (www.cubanet.org). Il a été condamné à 20 ans de prison.

-  Héctor Maseda Gutiérrez, journaliste, est accusé, entre autres, d’avoir publié des textes sur le site Cubanet et d’avoir reçu de l’argent de ce média. Il a été condamné à 20 ans de prison.

-  Adolfo Fernández Sainz, journaliste, est accusé, entre autres, d’avoir publié sur le
site www.nuevaprensa.org des articles « contre-révolutionnaires » pour qu’ils « soient
utilisés, directement ou indirectement, par le gouvernement nord-américain pour continuer sa politique d’agression contre Cuba ». Il a été condamné à 15 ans de prison.

-  Julio César Gálvez Rodríguez, journaliste, est accusé, entre autres, d’avoir reçu de l’argent de sites Internet comme Cubanet et Encuentro en la Red et d’avoir consulté le Net à partir de la Section des intérêts américains. Il a été condamné à 15 ans de prison.

-  Carmelo Díaz Fernández, directeur de l’Agencia de Prensa Sindical Independiente (APSIC), est accusé d’avoir publié des articles sur Cubanet, « agence de presse financée par des fonds octroyés par le Congrès des Etats-Unis pour effectuer un travail de subversion contre le gouvernement de Cuba ». Il a été condamné à 15 ans de prison.

La traque des internautes « non autorisés »
Les autorités ont décidé, en janvier 2004, d’interdire complètement l’utilisation du réseau téléphonique ordinaire pour accéder au Web, afin de lutter contre les connexions pirates. Le décret gouvernemental demandait en outre à ETEC SA « d’employer tous les moyens techniques nécessaires permettant de détecter et d’empêcher l’accès à Internet » pour les personnes non autorisées. Ce décret n’est pas encore entré en vigueur.

Telecom Italia, actionnaire des télécoms cubains
Telecom Italia est actionnaire à 29,3 % d’ETEC SA, l’unique opérateur de télécoms cubain - le reste du capital étant détenu par l’Etat. Or, ETEC SA, qui contrôle entièrement l’Internet du pays, est utilisé par le gouvernement pour censurer le Web et traquer les dissidents politiques. Lors du procès des journalistes arrêtés en mars 2003, des rapports ont été fournis par l’opérateur cubain pour prouver que les inculpés avaient utilisé le Réseau de manière « contre-révolutionnaire ». Reporters sans frontières a écrit, en mars 2004, au président du conseil d’administration de Telecom Italia, pour attirer son attention sur les conséquences de la participation de son entreprise dans ETEC SA. L’organisation lui a demandé « d’intervenir pour tenter d’infléchir la politique du régime cubain à l’égard du Net et demander la libération des 27 journalistes emprisonnés ».

Sites utiles

-  Sites publiant les articles des journalistes indépendants
www.cubanet.org, www.nuevaprensa.org, www.cubaencuentro.com, www.cartadecuba.org

-  Portail officiel « Internet et Institutions »
http://www.cubaweb.cu/esp/categorias/categories.asp ?categoryID=60

-  Portail de la presse officielle
http://www.cubaweb.cu/esp/categorias/categories.asp ?categoryID=20

*Le DAI (Digital Access Index) est un indice créé par l’Union internationale des télécommunications pour mesurer la capacité des individus d’un pays donné à accéder aux technologies de l’information et de la communication. Les notes vont de 0 (incapacité totale) à 1 (accès parfait).

**Les appréciations (situation bonne, moyenne, difficile, grave) ont été établies à partir de sept critères : cyberdissidents ou journalistes online tués, emprisonnés, harcelés, censure de sites d’informations, existence de sites d’informations indépendants, existence de fournisseurs d’accès indépendants, coût abusif de connexion.

 

http://www.rsf.org/article.php3?id_article=10602

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité