Les 141 membres du CORCAS (Conseil royal consultatif pour les
affaires sahariennes), réunis le 25 mai à Rabat en Assemblée
extraordinaire, ont doté leur Conseil de cinq Commissions dont la
«Commission de la défense des droits de l¹homme, des libertés publiques
et des populations des camps».
Ainsi, un aspect majeur et sensible de la question du Sahara, à
savoir le sort de milliers de familles retenues à Tindouf et des
centaines d¹enfants séquestrés à Cuba, se trouve placé au sommet des
priorités du CORCAS. Certes, Mme Yasmina Baddou, secrétaire d¹Etat chargée de la
Famille, de l¹enfance et des personnes handicapées, a précisé à
différentes occasions que «cette question constitue l¹une des priorités
du gouvernement marocain». Mais, force est de constater que cette
dimension de la question du Sahara n¹a pas été suffisamment traitée et
mis en avant. Aujourd¹hui, l¹ampleur de ce drame humain et humanitaire commence
à peine à être connue grâce surtout aux nombreux témoignages d¹anciens
prisonniers des camps de Tindouf, d¹anciens déportés à Cuba,
d¹instructeurs cubains installés à l¹étranger, d¹ONG ou de
journalistes.
Mais, beaucoup reste à faire pour que ce drame humain trouve une
solution rapide et afin que les souffrances de ces milliers d¹enfants
envoyés à «l¹île de la Jeunesse» (anciennement île des Pins) à Cuba
cessent.
Ce sont les étapes de ce processus de séquestration/déportation,
ses méthodes, ses objectifs et ses conséquences sur les enfants
déportés et leurs familles retenues à Tindouf que nous comptons mettre
en lumière dans les lignes qui suivent.
Séquestration-déportation
Nous avons tous en mémoire les terribles images des prisonniers de
la prison d¹abou Ghraib en Irak, des camps de la Serbie en temps de
guerre et des orphelinats roumains de l¹époque de Nicolae Ceausescu.
Ces images ont mis en lumière des pratiques et des méthodes indignes de
notre époque et qui sont autant d¹atteintes aux règles les plus
élémentaires des Droits de l¹homme et de l¹enfant, du droit
international et du droit international Humanitaire. Mais, très peu d¹images sont parvenues à l¹Occident des Camps de
Tindouf et surtout de ces établissements spéciaux et ces baraquements
spécifiques de «l¹île de la Jeunesse» à Cuba où s¹entassent durant de
longues années, jusqu¹à 15 ans, de jeunes marocains arrachés à leur
terre et à leurs familles. Ce transfert abominable vers Cuba, à partir
des Camps de Tindouf, de centaines d¹enfants sŒapparente aux pires
méthodes mafieuses : séquestration et rapt d¹enfants en bas âge (8-9
ans) et trafic de toutes sortes. Ces enfants et leurs familles sont
retenus contre leur gré dans les camps de Tindouf où «la situation
humanitaire et sanitaire est catastrophique» selon de Mme Khayat
Keltoum, ex responsable des relations internationales des femmes du
«polisario» et «où règne un régime de terreur, contraignant et
spartiate» précise Mme Marie-Françoise Mirot, présidente du groupe
«Petite fille» à l¹UNESCO
Les enfants sont ensuite acheminés par bateau vers Cuba à «l¹Ile
de la Jeunesse». Des témoins cubains et des ONG locales parlent de
l¹arrivée de bateaux transportant «un nombre incroyable» d¹enfants âgés
entre 9 et 15 ans. Une fois sur «l¹Ile de la Jeunesse», les enfants
sont placés dans des baraquements spécifiques «sous contrôle militaire
et d¹où il n¹y avait aucune possibilité de fuite» (propos de M. Dariel
ALARCON, Cubain exilé en France). La scolarité de ces jeunes enfants arrachés à leur famille, à
leur terre et à leur culture se déroule dans des établissements
spéciaux, les internats.
C¹est dans ces lieux dépourvus de tout confort aux allures
spartiates que les jeunes marocains vont grandir et côtoyer durant de
longues années de jeunes Angolais ou Namibiens qui subissent le même
sort.
Quant au nombre des jeunes marocains des camps de Tindouf déportés à Cuba, les chiffres avancés sont impressionnants.
Un journal américain, le Washington Times, indique que 3.000
enfants sahraouis sont toujours retenus à Cuba et entre 350 et 400 y
sont déportés chaque année. Le témoignage d¹une jeune marocaine, Mme
Fatimatou, qui a vécu 12 ans d¹exil à Cuba dans un internat, confirme
ces chiffres: « ils sont d¹abord quelques centaines, puis deviendront
au fil des années plusieurs milliers, regroupés garçons et filles, dans
des établissements spéciaux». Mme Marie-Françoise Mirot, présidente du
groupe ³petite fille» à l¹UNESCO, a rédigé un rapport sur ce sujet qui
parle de « conditions catastrophiques et de traitement inhumain ». Mme
Francine Henrich, ancienne ambassadrice de la Communauté européenne et
représentante permanente de l¹Alliance internationale des femmes (AIS)
auprès de l¹UNESCO, confirme ce témoignage.
Les objectifs de cette déportation ?
Les objectifs de ce transfert de milliers d¹enfants vers Cuba sont
de différents ordres : idéologiques, politiques, culturels,
économiques, sécuritairesŠ
1) Endoctrinement : ces enfants sont soumis dès leur arrivée à
Cuba à une formation idéologique et militaire stricte. Les instructeurs
sont sahraouis ou cubains. L¹enseignement de base est constitué
essentiellement de cours de la langue espagnole et de l¹idéologie
marxiste-léniniste. La haine du Maroc et de l¹Amérique semble la
principale trame de cet enseignement. L¹instruction militaire comprend
le maniement des armes, l¹apprentissage de la guérilla des cours sur la
fabrication d¹engins explosifs. Selon plusieurs ONG humanitaires, de
nombreux enfants sont morts victimes de l¹explosion de ces engins. Pire encore, ces enfants font l¹objet d¹une honteuse et
systématique exploitation économique au profit d¹entreprises et de
mafias cubaines. 2) Exploitation économique : les enfants déportés à Cuba sont
intégrés dans le circuit économique cubain en qualité de main-d¹¦uvre.
Ils sont présents dans plusieurs secteurs de l¹économie cubaine en
particulier les fabriques de cigares et les champs pour la récolte des
fruits et légumes et de la canne à sucre. - Le tourisme sexuel : de nombreuses prostituées de La Havane
sont d¹origine sahraouies précisent certains observateurs
internationaux. De jeunes filles sont, précisent-ils, «placées dans des
hôtels, des boîtes de nuit ou des maisons particulières où elles sont
employées comme domestiques». Ces enfants et ces femmes sont livrés à
la pédophilie et à la prostitution au profit de touristes espagnols,
allemands, canadiens, américains. Des agences de tourisme se sont même
spécialisées dans ce commerce honteux. Selon le rapport de Mme
Marie-Françoise Mirot, déjà cité, de nombreux garçons et des filles
sont morts contaminés par la syphilis et le sida. - Chantage et contrôle des camps de Tindouf : l¹un des objectifs
premiers et stratégiques de cette déportation de jeunes sahraouis
marocains vers Cuba, c¹est le contrôle des camps de Tindouf. Car, comme
le dénonce plusieurs ONG qui ont visité ces camps «si ces parents
tiennent à revoir leurs enfants ils ont intérêt à ne pas désobéir».
Car, «en déchirant ainsi les familles, le «Polisario», maintient un
contrôle effectif sur les camps», souligne l¹éditorialiste du Washinton
Poste qui ajoute que «si jamais un père s¹échappe des camps, il est
presque certain de ne jamais revoir encore son fils ou sa fille». - Trafic d¹organe : ce trafic criminel a été révélé par la
gendarmerie algérienne. Un véritable réseau de trafic d¹organes humains
en provenance des camps des séquestrés sahraouis près de Tindouf s¹est
constitué. Selon des agences de presse (MAP), «quelque 600 patients
d¹un hôpital de Tindouf, essentiellement des enfants et des femmes des
camps sahraouis, y ont subi des vols d¹organes et ont été déclarés
morts par les autorités de cet établissement».
C- Les conséquences
Les enfants séquestrés à Tindouf, envoyés à Cuba, installés dans
des baraquements militaires ou dans des établissements spéciaux, vivent
et grandissent dans des conditions insupportables. Sur «l¹Ile de la
Jeunesse» ils sont élevés à l¹écart de tout contact, encadrés par des
militaires ou des chefs d¹entreprises cubains, pour ceux qui sont
employés dans les champs et les entreprises, sans espoir d¹échapper à
leur condition. Le dépaysement et l¹encadrement idéologique et militaire que les
enfants subissent tout le long de leur séjour à Cuba, jusqu¹à 15 années
d¹exil pour certains d¹entre eux, les coupent de toute réalité sociale
et culturelle (mode de vie, traditions, coutumes locales etc). Les
familles restées contre leur volonté dans les camps de Tindouf vivent,
pour leur part, un véritable calvaire. Elles sont privées de la
présence et de l¹amour de leurs enfants dès l¹âge de 8/9 ans.
Séparation qui dure pour certaines familles jusqu¹à 15 ans.
Cette violation flagrante des droits humains et humanitaires de
milliers d¹enfants marocains sahraouis en bas âge qui dure depuis 30
ans, a suscité et suscite de plus en plus des réactions d¹indignation à
travers le Monde. Ce sont des ONG Anglos-Saxonnes (Etats-Unis, Canada)
ou Européennes (Allemandes, Italiennes, Françaises etc) qui sont en
première ligne de ce combat pour la libération de ces centaines
d¹enfants détenus dans les camps de Tindouf ou déportés à Cuba. Mais
beaucoup reste à faire. Il faut que l¹opinion internationale, et en particulier les ONG
humanitaires qui militent pour la défense et la promotion des droits de
l¹homme et de l¹enfant assument leurs responsabilités en exerçant les
pressions les plus fortes et les plus durables sur les auteurs et les
organisateurs de ce trafic et de cette déportation pour qu¹enfin
cessent le calvaire de ces enfants et les souffrances de leurs
familles. Aujourd¹hui, il ne suffit pas de dénoncer ce système
tyrannique installé dans le Sud-Ouest Algérien, qui pratique depuis
plusieurs décennies le rapt d¹enfants et la déportation systématique,
qui détourne l¹aide internationale à sa guise. Mais, il faut lancer
sans tarder une mobilisation générale pour obtenir leur
libération inconditionnelle. Les associations des marocains de
l¹étranger ont un rôle majeur à jouer dans ce combat. Elles ont prouvé
à différentes occasions leur efficacité dans la défense des causes
nationales. Leur devoir aujourd¹hui est de mettre tout en ¦uvre pour
faire cesser le calvaire de leurs jeunes frères séquestrés à Tindouf ou
déportés à Cuba. Le devoir et la mission première de la nouvelle
Commissions du CORCAS: «Commission de la défense des droits de l¹homme,
des libertés publiques et des populations des camps» consistent avant
toute chose à trouver les solutions les plus rapides et les plus
complètes pour régler cette question pénible des enfants marocains
sahraouis déportés à Cuba ou séquestrés à Tindouf. Car le temps presse.
* Chercheur en Sciences Sociales et en droit International Humanitaire/ Président d¹almohagir (Paris le 30/mai/2006) |