Prisons à Cuba : le témoignage de Raul Rivero
Prisons à Cuba : le témoignage de Raul
Rivero
Le 03-05-2006 à 12:43
Au printemps 2003, le journaliste Raul
Rivero a été arrêté avec 28 de ses collègues et condamné à 20 ans de prison.
Libéré pour raisons de santé en novembre 2004, il donne aujourd'hui son
témoignage sur les prisons à Cuba.
Se réveiller chaque matin dans une
cellule de prison est une expérience qui affaiblit la volonté de vivre.
Petit-déjeuner d'une tranche de pain sale et moisie avec de l'eau sucrée, en
attendant quelques cuillerées de riz et d'herbes au déjeuner et le même menu au
dîner, est un antidote à toute lueur d'espoir. Si vous devez attendre trois mois
avant de voir votre famille pendant quelques heures dans une cellule, sur des
bancs de pierre, sous l'oeil vigilant des gardiens, vous pouvez difficilement
être impatient à l'idée de retrouver et de partager un moment avec ceux que vous
aimez.
Telle a été ma vie pendant deux ans. Et telle est la vie, en ce
merveilleux jour de printemps de l'année 2006, de Víctor Rolando Arroyo,
journaliste à l'agence de presse indépendante Unión de Periodistas y Escritores
de Cuba Independientes (UPECI), dans la prison du commandant Castro à
Guantánamo, un entrepôt humain qui fonctionne depuis plus de 30 ans.
Les
dizaines de journalistes qui souffrent de la faim, de la maladie et de mauvais
traitements dans les prisons de l'île de Cuba sont les otages d'une bande de
compères qui ont pris le pouvoir par la force et qui s'y maintiennent par la
force depuis presque un demi-siècle, un pouvoir qui s'appuie sur la police et la
propagande.
Mal soignés
Le jeune reporter Pablo
Pacheco fait l'objet d'horribles traitements dans la prison de Canaleta, de même
que ses collègues Pedro Argüelles et Adolfo Fernández Sainz et le jeune
photojournaliste Omar Rodríguez Saludes. Ils ont tous été condamnés à 28 ans de
prison en 2003 pour avoir photographié et filmé des aspects de la société
cubaine que le régime dictatorial ne souhaite pas dévoiler.
Une autre
victime est Normando Hernández, un journaliste qui a lancé un petit magazine à
partir de chez lui, dans la ville de Camagüey. Il n'a réussi qu'à publier la
première édition. Les tribunaux révolutionnaires ont immédiatement réclamé la
prison à perpétuité pour Hernández, même si cette condamnation a par la suite
été gracieusement commuée en 25 ans d'emprisonnement.
Hernández, comme
beaucoup d'autres comme lui, souffre également d'affections mal soignées en
raison du manque de médicaments et du surpeuplement des prisons. Dans des
cellules à l'origine conçues pour accueillir 20 détenus, on trouve souvent 35 ou
40 prisonniers, obligés de dormir à même le sol et de partager les mêmes
toilettes et la même quantité d'eau rationnée.
C'est exactement la façon
dont vit à présent le poète et journaliste Ricardo González Alfonso dans le
pénitencier de Combinado del Este à La Havane. Son état est aggravé par le fait
qu'il a subi deux opérations dans les blocs opératoires douteux de la prison et
que sa blessure initiale, qui date de novembre 2004, continue de suppurer et ne
paraît jamais cicatriser.
De la même façon, Fabio Prieto Lorente, un
jeune correspondant confiné dans une prison sur l'île de Pinos, à 120 kilomètres
au sud de La Havane, voit sa jeunesse lui échapper peu à peu pour avoir couvert
la réalité d'un pays où la brutalité s'exerce librement en raison de l'absence
de représentation diplomatique et de journalistes pour dénoncer les abus.
Pendant ce temps, dans le centre de détention de Guanajay, à quelques
kilomètres à peine de la capitale cubaine, des médecins militaires ont
finalement fini par reconnaître que le journaliste souffrant José Ubaldo
Izquierdo, emprisonné depuis mars 2003, ne parviendrait jamais à se rétablir
dans des conditions de vie aussi difficiles. Izquierdo, qui est âgé de 40 ans et
qui a travaillé comme éditorialiste pour une agence de presse cubaine
indépendante, purge actuellement 16 ans de prison.
Nous savons qu'à
Cuba, la Journée mondiale de la liberté de la presse ne peut être célébrée avec
dignité que dans les cellules des 300 prisons disséminées à travers cette île
des Caraïbes. Les prisonniers sont enfermés dans des cellules obscures où ils
ont été jetés pour avoir voulu être libres dans un pays où la liberté n'est plus
qu'un mot vide, dépourvu de sens dans la bouche des scribes, un mot qui envoie
les hommes libres en prison s'ils osent le prononcer.
Mais ce n'est que
là, dans ces cellules où l'espoir continue de subsister, qu'on peut légitimement
et honnêtement porter un toast à cette journée -- même si c'est dans une tasse
sale en aluminium remplie de l'eau tiède et trouble qui provient des sources
souterraines de Cuba.