Informer est toujours plus dangereux
Liberté de la presse
Informer est toujours plus dangereux
S.P. (st.)
Mis en ligne le 03/05/2006
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En 2005, 63 journalistes ont été tués dans leurs missions. «Reporters sans frontières» pointe les ennemis des médias dans son rapport. Parmi eux: l'autoritarisme, l'impunité et les voies légales adoptées à l'encontre des journalistes.
Au
mieux, on les emprisonne sans raison; au pire, on les abat froidement.
Avec 63 journalistes tués et au moins 1 308 d'entre eux agressés ou
menacés, l'année 2005 aura été la plus violente depuis dix ans pour les
professionnels des médias. L'association «Reporters sans frontières» (RSF) vient de dresser son
bilan, particulièrement sombre. Depuis le 1 éme rjanvier 2006, 16
journalistes et 6 collaborateurs avaient déjà été tués, dont 5 en
Amérique du Sud. Et si le Mexique caracole en tête des pays les plus
violents sur le continent américain (3 journalistes abattus en 2005),
c'est sans surprise l'Irak qui, à l'échelle du monde, aura été le
terrain le plus meurtrier en 2005; 24 journalistes y ont péri, dont 12
sous le coup des forces américaines. Au total, 74 reporters et
collaborateurs des médias y ont trouvé la mort depuis le début du
conflit en 2003, en reportage ou dans les mains de leurs ravisseurs... Après l'Irak, c'est aux Philippines que l'exercice du métier est le
plus dangereux. Sept journalistes y ont été assassinés en 2005, comme
Marlene Esperat qui avait enquêté sur la corruption dans le pays et
critiqué des autorités politiques. Le Liban s'est aussi distingué par
la violence cette année, avec 2 journalistes abattus, ce qui ne s'était
plus produit depuis la fin de la guerre civile en 1990. La profession a
directement subi les tensions nées de l'assassinat du Premier ministre
Rafic Hariri, attribué à la Syrie. La répression ne passe pourtant pas toujours par la violence
physique. En 2005, et presque partout, ce sont les moyens légaux que
les gouvernements ont renforcés contre les médias, à travers des lois
sur le «secret des sources» en Amérique du Nord et en Europe
occidentale ou, dans d'autres pays, par des dispositions sur les
«atteintes à l'ordre public et à la sécurité nationale» ou «insultes
envers le chef de l'Etat». Prison et censure En matière de contrôle de l'information, les moyens sont souvent
tristement similaires. Emprisonnements abusifs, intimidations, SMS
menaçants quand il ne s'agit pas de pressions financières et d'amendes
pour faire disparaître les médias. Aucun pays n'y fait exception. Les
intimidations et les entraves ont été nombreuses en Israël, exercées
contre les journalistes palestiniens. L'enlèvement de 4 journalistes
étrangers dans les territoires a également montré la dangerosité du
métier dans cette zone. Mais en terme d'emprisonnement, c'est toujours
la Chine qui détient le record, avec l'Erythrée et Cuba. En Chine, 32
journalistes étaient incarcérés début 2006, pour espionnage ou
divulgation de secrets d'Etat. Autre mal chinois, partagé par la Corée
du Nord et le Népal: la censure, qui s'exerce violemment contre les
«cyberdissidents». La palme mondiale revient toutefois au Népal, où la
moitié des cas de censures ont été relevés en 2005. Au total: 567 cas
et près de 145 journalistes agressés et interpellés. Mais la censure est tout aussi vigoureuse dans le Maghreb, Tunisie
en tête, et quasiment «institutionnalisée» en Libye, en Arabie
Saoudite, en Syrie ou encore en Iran, devenu avec 5 journalistes
détenus au 1 éme rjanvier 2006, la plus grande prison du Moyen-Orient. Et si l'Asie et le Moyen-Orient semblent être «malades de
l'autoritarisme», selon RSF, l'Afrique, elle, l'est de l'impunité.
Peut-être plus qu'ailleurs, les enquêtes sur les agressions de
journalistes y sont avortées. Comme celle d'Acquitté Kisembo,
correspondant de l'Agence France-Presse en République démocratique du
Congo, officiellement porté disparu mais sans doute tué par les milices
de l'Est du pays; même schéma pour Guy-André Kieffer, enlevé après être
tombé dans un piège fomenté par le beau-frère du président Laurent
Ghabo en Côte-d'Ivoire. Le continent a pourtant connu de réels progrès en 2005, comme en
Mauritanie ou au Soudan où les médias ont regagné un certain pluralisme
et une certaine liberté. Mais ces avancées, RSF aimerait les relever
plus souvent. © La Libre Belgique 2006Bauweraerts
http://www.lalibre.be/article.phtml?id=10&subid=83&art_id=283686