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1 août 2007

CUBA • La difficile voie du changement

1er août 2007
CUBA •  La difficile voie du changement

Le 31 juillet 2006, Fidel Castro remettait officiellement la charge du pouvoir à son frère Raúl. Un an après, les Cubains n'ont pas constaté grand changement, même si le nouveau chef en promet. Les dirigeants semblent indécis quant aux mesures à prendre pour réformer un modèle socialiste devenu caduc, considère El Mundo.
De La Havane – Des réformes, un peu, beaucoup, passionnément, pas du tout ? Le temps n'est plus à l'effeuillage de marguerites. L'heure du changement a sonné, clame la société cubaine à l'unisson. Ignorer cette réalité, ce serait mener Cuba droit au chaos. Car jamais, depuis des décennies, n'était apparue de façon si manifeste, du moins dans la capitale, une opinion aussi majoritairement favorable au déboulonnage du modèle rouillé du socialisme au profit d'un modèle nouveau, doté d'une architecture politique et économique en phase avec les réalités de la société actuelle.

Fidel Castro lui-même, dans son discours du 17 novembre 2005 dans le grand amphithéâtre de l'université de La Havane, a reconnu que, parmi les "nombreuses erreurs" commises, "la plus grave a été de croire que quelqu'un savait comment construire le socialisme". Au dire de plusieurs observateurs cubains, l'aberration a commencé en 1971, avec la contamination de la révolution cubaine par le virus du modèle soviétique stalinien, qui imposa à la culture antillaise désinvolte de Cuba une centralisation étatique poussée à l'extrême, en vertu de laquelle toutes les décisions touchant la société sont prises par les officines d'élites bureaucratiques au mépris de toute pensée critique.

La rupture entre la société et ce modèle de socialisme a couvé pendant la "période spéciale" des années 1990 : la crise économique qui sévit à Cuba après la chute de l'Union soviétique rompt en effet sur l'île le "contrat social" à partir duquel l'Etat était accepté comme l'unique bienfaiteur du peuple. L'une des causes de cette rupture est à chercher dans l'instauration d'une économie à deux vitesses, divisée par deux monnaies, le peso national et le peso convertible. Dès lors, l'achat de produits de consommation de première nécessité n'est plus possible qu'en pesos convertibles, tandis que les salaires, versés en pesos nationaux, perdent en pouvoir d'achat pour ne plus offrir qu'une vie précaire. Parallèlement, l'ouverture à l'investissement étranger et au tourisme fait éclater la bulle d'isolement qui, depuis des décennies, protège le Cubain lambda des tentations du capitalisme.

Dans la Cuba du XXIe siècle, la géographie des valeurs sociales est bien différente de celle qui a été en vigueur pendant les trois premières décennies de la révolution castriste. Malgré tout, les autorités cubaines ont décidé de continuer à employer la rhétorique du passé pour que l'Etat conserve son image de grand bienfaiteur de la société. Mais l'idéologie officielle n'est pas parvenue à endiguer une lame de fond qui, dans le peuple, pousse à l'initiative personnelle (légale ou non) en marge de l'Etat dans le but d'améliorer le difficile quotidien des familles cubaines.

C'est ainsi que, dans un seul et même pays, les Cubains se sont mis à jouer sur deux scènes bien différentes : participant d'un côté aux grands raouts politiques afin de montrer leur foi révolutionnaire, de l'autre, confrontés au quotidien au besoin impérieux de recourir à une initiative privée anarchique, seul moyen de faire face aux problèmes négligés par l'Etat en termes de services, de transports publics, de logement, d'alimentation et d'accès aux biens de consommation courante.

La maladie de Fidel Castro (sa dernière apparition en public remonte au 26 juillet 2006) a eu pour effet de libérer dans l'opinion les inquiétudes sur l'avenir du pays. Cette appréhension, qui s'est accrue au cours des derniers mois, s'est aussi matérialisée par des critiques contre l'inefficacité économique persistante du système socialiste instauré par le líder máximo qui donne à l'Etat le contrôle de la majeure partie des moyens de production.

Dans son retentissant discours du 26 juillet dernier à Camagüey, Raúl Castro, frère de Fidel et président par intérim depuis le 31 juillet 2006, a présenté un programme de gouvernement qui laisse entrevoir une politique économique réformatrice. Selon différents observateurs cubains, cette annonce inattendue visait à calmer l'impatience des Cubains grâce à des mesures chargées de remettre l'économie sur la voie de la vraie productivité. Mais Raúl Castro a aussi souligné qu'il n'y aurait pas de miracle et il a lancé un appel au calme : "Je rappelle une fois de plus que tout ne peut pas se résoudre en clin d'oeil."

"Il s'agit quasiment de construire un nouveau pays", nous a déclaré un économiste souhaitant garder l'anonymat. A Cuba, d'autres observateurs, constatant la lassitude apparente de l'opinion, se demandent si le pouvoir aura le temps de mener cette rénovation économique. Et là n'est pas le seul obstacle. Car qui sait si les dirigeants cubains ne céderont pas eux-mêmes à l'indécision quant à l'avenir de l'île et ne se remettront pas à effeuiller la marguerite ?
Angel Tomas Gonzalez
El Mundo

http://www.courrierinternational.com/article.asp?obj_id=76461

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