Les déboires d'un journaliste cubain à Miami, capitale de l'exil
Les déboires d'un journaliste cubain à Miami, capitale de l'exil
LE
MONDE | 10.03.07 | 15h30 • Mis à jour le 10.03.07 | 15h31
Il n'est pas
facile d'être cubain et journaliste indépendant. A Cuba, bien sûr, où tous les
médias sont contrôlés par le régime, mais aussi à Miami, la capitale de l'exil.
La carrière chahutée d'Edmundo Garcia, 41 ans, en témoigne. "J'ai été licencié
une première fois par la télévision cubaine, puis deux fois par des chaînes de
Miami. Sans explication. Sans doute parce que je suis un libre-penseur",
raconte-t-il.
Autodidacte, Edmundo Garcia a débuté à Cubavision, l'une
des chaînes officielles cubaines. "Je n'ai pu étudier le journalisme car je
n'étais pas membre de la Jeunesse communiste, alors j'ai commencé par les
programmes culturels", dit-il. Durant quinze ans, il anime une émission à forte
audience. En 1999, il est mis à pied, sans motif. Invité l'année suivante à
Londres, il choisit l'exil. Engagé par la chaîne Univision à Miami, il anime
également une émission à la radio. "Cette émission culturelle s'est transformée
en un espace de débat démocratique", affirme-t-il. Le 16 septembre 2005, il part
à New York pour interviewer le président du Parlement cubain, Ricardo
Alarcon.
"Avant même la diffusion de cette interview, les stations en
espagnol de Miami dominées par l'extrême droite, à commencer par Radio Mambi,
ont déclenché une violente campagne contre moi, réclamant ma tête sous prétexte
que je n'avais pas été assez dur avec Alarcon", poursuit Edmundo Garcia.
Quarante jours après, il reçoit sa lettre de licenciement.
Il retrouve un
emploi au Canal 41, où on lui confie un programme de variétés. En décembre 2006,
sa mère l'appelle de Cuba pour lui annoncer que son grand-père, qui l'a élevé,
est en train de mourir d'un cancer. Sans hésiter, Edmundo s'envole le 24
décembre pour La Havane. "A mon retour, le 4 janvier, j'ai appris que j'avais
été licencié. Bien sûr, ils ne m'ont pas dit que la raison était mon voyage à
Cuba."
"Miami ressemble à une république bananière. Les
ultra-conservateurs ont séquestré la radio et la télévision en espagnol. Les
journalistes craignent pour leur emploi s'ils disent quelques choses que les
tenants de la ligne dure ne veulent pas entendre", ajoute Edmundo Garcia,
favorable au dialogue entre La Havane et Washington.
"Pour les durs de
l'exil, je suis communiste, au même titre que Clinton, CNN, le New York Times ou
Colin Powell", ajoute ce brillant débatteur récompensé par un prix Emmy en 2003.
"Quelle démocratie et quelle tolérance pouvons-nous exiger de Cuba si nous ne
sommes pas capables de les pratiquer ici, à Miami ?", s'interroge-t-il.
Jean-Michel Caroit (Miami, Envoyé spécial)
Article paru dans
l'édition du 11.03.07
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3222,36-881448@51-828520,0.html