Cuba : attendre avant d'agir
Cuba : attendre avant d'agir
Alors que les spéculations sur l'état de santé de Fidel Castro vont bon
train, l'Europe attent patiemment avant de choisir une stratégie.
Le mandat du commandant Fidel Castro
sur l'île de Cuba devrait bientôt s'achever. L'administration Bush a d'ores et
déjà pris position et s'est prononcée en faveur d'une transition de pouvoir
assurée par le propre frère du dictateur, Raúl Castro, 75 ans. L'Union
européenne, en revanche, ne semble pas décidée à dévoiler ses intentions. Carlos
Malamud, expert des questions latino-américaines pour l'Institut géopolitique
'Real Instituto Elcano' de Madrid nous en dit un peu plus.
Quels sont les
pays européens qui ont le plus d'influence sur les relations entre l'UE et Cuba
?
En raison des relations particulières qu'elle entretient avec Cuba, et
de façon plus générale à cause des liens qui l'unissent au continent
sud-américain, l'Espagne est certainement l'un des principaux interlocuteurs
européens de La Havane. C'est à l'initiative de Madrid que l'UE a modifié sa
politique envers Cuba il y a maintenant deux ans. Néanmoins, la France,
l'Allemagne et le Royaume-Uni tiennent également une place importante dans les
relations entre Europe et Amérique latine puisque nulle décision de politique
extérieure ne peut être prise sans leur accord au Conseil européen. Du reste, il
ne faut pas oublier que Cuba est un régime communiste. Huit pays de l'ancien
bloc soviétique, réputés proches du régime castriste, ont fait leur entrée dans
l'Union européenne le 1er mai 2004. La République tchèque, la Slovaquie et la
Pologne souhaiteraient favoriser l'instauration d'une démocratie à Cuba pour que
priment les libertés fondamentales.
L'UE a-t-elle pris des dispositions
particulières au cas où une 'nouvelle révolution' éclaterait à Cuba ?
Il
me semble que nous nous dirigeons davantage vers une succession que vers une
période de transition. Polémique sur la nature du mal dont souffre Fidel Castro
mise à part (cancer ou diverticulite), un mouvement visant à rehausser la cote
de popularité de Raúl Castro, sans pour autant le désigner chef d'Etat, se
développe actuellement à Cuba. C'est pourquoi, faute de connaître avec certitude
ce qui se passe véritablement là-bas, il est si difficile pour l'Union
européenne de se positionner. En outre, Fidel Castro refuse de se laisser
écarter du pouvoir. Néanmoins, l'Europe suit de près l'évolution des événements.
L'UE a modifié sa politique pour parer à tout changement. Je parlerais pour ma
part de stratégie du 'Wait and see' [attendre pour agir].
Pensez-vous que
Raúl Castro procédera à une réforme du régime castriste ou qu'il suivra les
traces de son frère ?
Je pense que Raúl est beaucoup plus pragmatique,
beaucoup plus calme et bien moins extrémiste que son frère. L'Histoire nous le
dira.
Cuba : chronologie d'un 'status quo' particulier
¿Cuba
sings always with the same tune? (Foto, Brainless/Flickr) Cuba-UE : chronologie
d'un status quoL'Union européenne est le principal partenaire commercial de
Cuba, sa principale source de revenus à l'étranger, le premier exportateur de
touristes sur ses terres et son principal partenaire au
développement,
Septembre 1988: Cuba est le premier pays non européen de
la COMECON -Conseil économique d'assistance mutuel-, le bloc commercial
communiste créé en 1949 et aujourd'hui disparu, à établir des relations
diplomatiques avec Bruxelles
Début 1993: La coopération entre la
Commission européenne et Cuba est lancée avec un programme mis en place par la
Direction génerale de l'aide humanitaire de l'UE : ECHO. L'objectif : prévenir
les crises humanitaires dûes aux catastrophes naturelles dans les Caraïbes. En
l'absence d'un accord de coopération avec l'UE, le programme est financé avec le
budget général de la Commission.
Février 1996: alors que des négociations
vers un Accord de partenariat et de coopération sont en cours depuis octobre
1995, l'aviation cubaine abat deux avions civils d'une ONG cubaine basée à Miami
'Hermanos para el rescate' [Frères pour les rescapés], entraînant une rupture du
dialogue de la part de Bruxelles. L'UE pose alors comme condition de la reprise
des négociations un progrès dans la politique cubaine.
Décembre 1996: la
position officielle de Bruxelles face au gouvernement de La Havane est
clairement définie par un document officiel de l'UE, baptisé 'Position commune
relative à Cuba'. Le texte entend « promouvoir le processus de transition vers
une démocratie pluraliste et le respect des droits de l'homme ». Fidel refuse le
document, qu'il considère comme une ingérence inacceptable dans les affaires du
gouvernement cubain.
Décembre 2000: Cuba est le 79ème pays à intégrer le
bloc des pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique). L'île ne bénéficiera pas des
Accords de Cotonou signés en 2000 entre l'ACP et l'UE mais sera soumis à un
quota imposé par l'Union quant à la production de sucre (59 000 tonnes par an,
fixé à 98 euros la tonne).
Mars 2003: La Commission met en place une
délégation de l'UE à la Havane afin de développer les relations économique,
politique, sociales et culturelles entre Bruxelles et Cuba.
Avril 2003:
protestations diplomatiques de l'UE contre la vague d'emprisonnements massive :
75 opposants politiques pacifiques sont jetés en prison et trois Cubains sont
exécutés pour avoir essayé de fuir l'île en Floride en détournant un
ferry.
Mai/Juin 2003: Sanctions de l'UE. Bruxelles limite les visites
bilatérales de haut niveau et envoie des émissaires de moindre rang assister aux
manifestations dans l'île. Elle invite des dissidents cubains à des célébrations
de fêtes nationales et procède à une revalorisation la 'Position commune
relative à Cuba'. La Havane refuse toute aide bilatérale directe venant de l'UE
et lance une campagne contre l'Espagne –à l'époque gouvernée par José María
Aznar- et l'Italie.
Février/Mars 2005: Le Conseil européen suspend
temporairement les sanctions diplomatiques en vigueur contre Cuba en réponse aux
premières libérations de dissidents par le gouvernement de Fidel Castro. Le
changement d'attitude de l'UE coincide avec l'arrivée au pouvoir du socialiste
José Luís Rodríguez Zapatero en Espagne en mars 2004.
Article écrit par
Ariadna Matamoros
Traduit par Guillaume Amiaud
http://www.cafebabel.com/fr/article.asp?T=T&Id=10001