Pinochet et Castro enfin ensemble... pour le Jugement dernier
mardi 5 décembre 2006, 17h33
Pinochet et Castro enfin ensemble... pour
le Jugement dernier
Par Christian GALLOY, analyste politique
MADRID
(LatinReporters.com) - Tous deux hospitalisés et aux portes de la mort,
l'ex-dictateur catholique chilien Augusto Pinochet et le toujours dictateur
communiste cubain Fidel Castro sont enfin ensemble à l'approche du Jugement
dernier de Dieu, des hommes et de l'Histoire.
A 91 ans, le coeur à
nouveau défaillant, le général Augusto Pinochet dépendrait d'un miracle à
l'hôpital militaire de Santiago du Chili. Diabète et arthrose compliquent ses
problèmes cardiaques. Télévisions et radios actualisent en permanence et en
direct le diagnostic de l'ancien chef d'Etat.
Onze ans plus jeune -ou
moins vieux- Fidel Castro était opéré d'urgence le 27 juillet après une "crise
intestinale aiguë avec saignement permanent". Depuis, il est hospitalisé en un
lieu qui relève du secret d'Etat autant que sa santé. Les dernières
photographies du Lider maximo remontent au 28 octobre. Son absence a présidé aux
cérémonies différées de son 80e anniversaire, le 2 décembre à La Havane, devant
des centaines de notables étrangers.
Ensemble au crépuscule de la vie,
Pinochet et Castro l'étaient aussi, certes dans des camps opposés, comme acteurs
de la Guerre froide. Ils sont peut-être les symboles vivants les plus
représentatifs de la lutte idéologique planétaire que se livrèrent pendant
quarante ans les Etats-Unis et l'Union soviétique.
Au pouvoir depuis le
triomphe de sa révolution, le 1er janvier 1959, Fidel Castro fut l'allié de
Moscou. La "crise des missiles" déclenchée en 1962 par la présence de fusées
soviétiques à Cuba mit le monde au bord de l'apocalypse nucléaire. La révolution
castriste fut en outre le catalyseur de guérillas de gauche au Nicaragua, au
Salvador, au Guatemala, au Pérou et en Colombie.
Ce "péril"
révolutionnaire explique partiellement, sans les justifier moralement, les coups
d'Etat et dictatures pro-américaines de droite qui ont dominé l'Amérique du Sud,
en particulier l'Argentine et le Chili, entre les années 70 et 90 du siècle
dernier. Dictateur de 1973 à 1990 après avoir balayé par les armes le socialisme
de Salvador Allende, Pinochet aurait-il existé sans Castro?
Le Rapport
Rettig de 1991 chiffre à 3.197 les assassinats ou disparitions politiques sous
Pinochet et le Rapport Valech de 2004 relève 35.000 dénonciations de torture
pendant la dictature militaire, dont 28.000 avérées. En outre, des centaines de
milliers de Chiliens s'exilèrent. Les rapports Rettig et Valech ont été
cautionnés à Santiago par les nouveaux gouvernements
démocratiques.
L'exil cubain, lui, se poursuit aujourd'hui. A défaut de
chiffres officiels, les organisations d'exilés anticastristes évaluent à plus
d'un million les Cubains qui ont quitté le pays pour des raisons politiques
et/ou économiques depuis l'arrivée au pouvoir de Fidel Castro. Contesté, "Le
livre noir du communisme" signé en 1997 par un collectif d'universitaires dirigé
par Stéphane Courtois, directeur de recherches au CNRS (Centre national de la
recherche scientifique - France) estimait que, depuis 1959, entre 15.000 et
17.000 Cubains auraient été fusillés et que plus de 100.000 auraient connu les
camps et les prisons en raison de leurs opinions. Il faudra sans doute attendre
l'après-Castro et même au-delà pour établir comme au Chili des chiffres
consensuels.
Pinochet et Castro se considèrent comme des sauveurs de la
patrie. "Jugez-moi comme vous voulez, mais l'Histoire m'absoudra" lançait déjà
en 1953, sous la dictature de Fulgencio Batista, le jeune Fidel Castro traduit
en justice pour l'attaque de la caserne de Moncada. Au jour anniversaire de ses
91 ans, le 25 novembre dernier, Augusto Pinochet, lui, disait assumer "la
responsabilité politique" de ses actes qui auraient visé, coup d'Etat compris, à
"empêcher la désintégration du Chili... que j'aime par-dessus tout".
Des
tribunaux chiliens, argentins et espagnols poursuivent Pinochet pour crimes
contre l'humanité, mais il risque de mourir sans avoir été jamais condamné en
justice. Fidel Castro n'est pour sa part l'objet d'aucune poursuite connue et
devrait s'éteindre sans le moindre affront judiciaire depuis 1959.
Reste
le Jugement dernier, de Dieu, des hommes et de l'Histoire.
Qu'importe si
Dieu offre sa miséricorde à Pinochet, car nul ne le saura. Les hommes, eux,
s'affrontent aujourd'hui au Chili entre partisans et adversaires de funérailles
nationales pour l'ex-dictateur. Quant à l'Histoire, il est probable qu'elle
enferme longtemps le général putschiste dans ses pages les plus
noires.
Fidel Castro est mieux loti. Dieu l'ignore, mais le Cuba
officiel, de larges couches du Cuba populaire et diverses gauches
internationales soudées par l'antiaméricanisme lui offriront des funérailles
grandioses. Sinon dans les pages d'or, Fidel figurera au moins dans les pages
d'argent de l'Histoire, mais pour combien de temps?
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