Cuba : l'heure du bilan ?
Cuba : l'heure du bilan ?
30/11/2006 06:00
Le règne de Castro touche à sa fin, et, l'heure du bilan approche. Il
réserve quelques surprises inattendues
Il n'y a pas si longtemps, évoquer
Cuba c'était d'abord faire référence à un pays et une révolution mythique avec
ses grandes figures romantiques : Che Guevara, Camillo Cienfuegos et bien sûr,
l'inébranlable Fidel Castro. À ce dernier, on a beaucoup pardonné parce qu'il a
au commencement incarné un épisode révolutionnaire bienvenu dans cette région,
et surtout parce qu'il a su tenir tête aux Américains.
Le plus surprenant
n'est pas que le communisme ait produit à Cuba, comme partout ailleurs en son
temps, une société totalitaire et policière. Qui s'en étonnerait aujourd'hui ?
Mais plutôt que Fidel Castro continue curieusement à bénéficier d'un traitement
de faveur assez singulier pour un dictateur.
Difficile d'imaginer les
touristes de l'époque se ruer dans la Roumanie de Ceausescu ou l'Albanie d'Enver
Hodja pour y admirer les « conquêtes du socialisme », ou la « résistance
héroïque » du peuple face à l'agression capitaliste ? C'est pourtant ce qui se
passe à Cuba avec la caution bienveillante d'une bonne partie de la « gauche »
politique et intellectuelle qui n'arrive pas à enterrer sa jeunesse idéaliste et
néo guévariste. Cuba serait devenu le dernier rempart contre la mondialisation
et la pensée unique. Une sorte de potion miracle anti Bush, une expérience
intéressante, un laboratoire qui mérite d'être conservé.
La vérité c'est
que Fidel Castro laisse aujourd'hui en héritage un pays plus pauvre que celui
qu'il a trouvé en 1959. Une des premières tâches l'ère post castriste sera donc
de renouer les fils de l'histoire coupés en 1959.
Fidel Castro a réécrit
l'histoire du Cuba d'avant la Révolution pour en faire un repoussoir au service
de sa propagande. Ce travail s'avère indispensable puisqu'il permet aussi de
faire une sorte de bilan de presque un demi siècle de « socialisme héroïque
».
Le discours officiel fait habituellement référence au Cuba d'avant la
révolution comme à un pays arriéré, gangrené par la prostitution et le
gangstérisme, et peuplé d'habitants en majorité analphabètes et livrés à
eux-mêmes.
Le milieu des gangsters américains est certes présent,
prospérant du produit des jeux, de la drogue et de la prostitution, mais pour le
reste il semble que l'on ait tendance à noircir un peu le tableau. En 1958, Cuba
se situe au troisième rang des pays d'Amérique latine pour le PIB par habitant,
et au quatrième rang pour l'espérance de vie, mais aussi pour l'instruction, la
santé et la protection sociale.
Concernant la mortalité infantile, avec
un taux de 32 pour mille, Cuba arrivait en 1957, en 13 e position devant
l'Irlande et la France. En 1957, Cuba comptait parmi les pays d'Amérique Latine
en pointe pour l'élevage du bovin et la consommation de viande (0,9 tête de
bétail par habitant). Aujourd'hui la viande de bœuf a disparu de l'assiette des
Cubains : il ne reste que 4 millions de tête de bétail pour une population de 11
millions d'habitants.
En 1958 Cuba affiche aussi une santé financière
insolente : le peso cubain est aligné sur le dollar américain et avec des
réserves de changes évaluées à 387 millions de dollars, Cuba dispose de la
troisième cagnotte de la région, derrière le Vénézuela et le
Brésil.
Pendant de nombreuses années, les résultats calamiteux de Cuba
ont été camouflés par les généreuses subventions de l'URSS et des pays de l'Est.
La rupture intervient en 1990 : la génération élevée à l'ombre des principes de
la révolution réalise subitement que le socialisme cubain ne doit sa modeste
prospérité qu'aux subsides des « camarades » du Bloc de l'Est. En 1993, le grand
frère russe ferme le robinet et l'économie cubaine sombre brutalement : le PIB
enregistre une chute vertigineuse de 40% dont le pays ne s'est pas encore
complètement remis.