Cuba: Un demi-siècle sans droit à l'information
Cuba: Un demi-siècle sans droit à l'information
Par : Bruno Maltais le :
04 Oct, 2006 [20:25 UTC]
Depuis maintenant 47 ans, la liberté de l'information n'existe pas au pays
du comandante. Plus de 70 % des Cubains sont nés sous le régime castriste et
n'ont donc jamais lu autre chose que la propagande du parti communiste qui les
fait vivre dans un mélange d'histoires révolues, de peur et d'espoir.
Je
reviens de Cuba après un séjour à lire et entendre la propagande du régime
castriste. Il faut me remettre au diapason de l'actualité nationale et
internationale. Dans les quotidiens québécois sur lesquels je mets la main dès
mon entrée dans l'avion, je lis sur les sans-abris, la violence dans les écoles,
les scandales politiques. À Cuba, c'était sur Fidel Castro qui se remettait bien
de son opération, son frère Raúl qui avait fait bonne impression lors du sommet
des pays non-alignés la semaine précédente, la détermination du peuple cubain
qui lui permettra de prospérer malgré l'arrogance des États-Unis. Alors que les
problèmes s'accumulent au Québec, tout va pour le mieux au pays des frères
Castro. Du moins, c'est le message envoyé. Et pourtant…
Les journaux
cubains ne résument que les hauts faits du régime et publient les discours
politiques, qui ne sont pas toujours reproduits en intégralité en raison de la
pénurie de papier. Pas plus utiles, la radio et la télévision reprennent les
mêmes nouvelles sous le même angle. « Ce journal ne vaut rien, mais au moins ça
me permet de savoir ce qui se passe dans mon pays », m'a expliqué un Cubain qui
me conduisait à l'aéroport en parlant du quotidien Granma
internacional.
Les quelques journalistes indépendants informent
uniquement par Internet, qui est pratiquement inaccessible pour les Cubains. La
grande majorité des Cubains n'ont pas d'ordinateur, et on me dit qu'une
connexion à la maison est interdite. Interdit aussi d'utiliser les services des
hotels, qui sont réservés aux touristes - parfois sur présentation du passeport
seulement. Dans les centres de communication pour Cubains, l'accès coûte
généralement 6 $ l'heure, alors qu'ils en gagent entre 10 et 30 $ par mois. On
comprendra qu'on ne passe pas des heures à lire nouvelles et opinions
indépendantes sur le Web. Quant à ceux qui tentent de faire circuler
l'information indépendante à l'intérieur du pays, le régime les considère comme
des ennemis de l'État, ce qui les entraîne souvent derrière les barreaux pendant
des années. En fait, mieux vaut être à l'extérieur de Cuba pour lire ce qui se
passe à l'intérieur du pays.
En marchant dans la rue avec un Cubain qui
me parle de son travail à la fabrique de tabac, un policier s'interpose. «
Pourquoi parles-tu avec cet étranger? Tu sais que tu ne peux pas. » J'invente
alors une histoire pour ne pas le mettre dans l'embarras. Le policier demande
néanmoins la carte d'identité du Cubain pour mettre une note à son dossier. On
ne me demande rien. Il ne faudrait surtout pas offenser un étranger, l'industrie
touristique étant devenue la première source d'argent au pays. D'autres
policiers seront d'ailleurs plus diplomates, m'expliquant qu'ils interviennent
pour s'assurer que les Cubains n'achalent pas les touristes. Mais la présence
policière a un autre objectif évident : limiter l'échange d'information. Les
étrangers pourraient apprendre que le Cuba des Cubains ne se résume pas aux
paradis touristiques de Varadero ou Cayo Coco, et les Cubains risqueraient de
s'ouvrir sur le monde et souhaiter un changement de régime. Reste que pour
l'heure, ils n'en sont pas là. Les Cubains sont beaucoup plus préoccupés à
améliorer leur conditions économiques individuelles qu'à se mobiliser pour
modifier l'ensemble de leur système politique.
Pour des millions de
vacanciers, Cuba est synonyme de soleil, plage, rhum, cigare, salsa. L'île
permet de s'évader de la réalité quotidienne. À l'inverse, la « perle des
Caraïbes » est plutôt une prison de laquelle des millions de Cubains voudraient
s'évader. Les nouvelles y arrivent au compte-goutte, et la possibilité de
s'informer se limitent aux communications avec les touristes ou la famille à
l'étranger. L'information que nous faisons circuler a donc une portée beaucoup
plus importante qu'on pourrait l'imaginer. Elle représente un outil non
négligeable pour que les Cubains reprennent le contrôle de leur pays et en
exploitent pleinement son potentiel.
À mon retour à Montréal, j'apprends
que c'est la semaine canadienne du droit de savoir. Reste à travailler pour que
les Cubains aient un jour le leur...
http://www.apem-wspa.org/tiki-read_article.php?articleId=113&comzone=show