Un mois sans «Fidel» ou la transition en rodage
CUBA
Un mois sans «Fidel» ou la transition en rodage
Patrick
Lescot
Agence France-Presse
La Havane
Un mois après le
retrait provisoire de Fidel Castro pour raison de santé, Cuba rode le mécanisme
de transition destiné à assurer la continuité du régime autour de son frère
Raul, tandis qu'aux yeux de la population plus rien ne sera comme avant pour le
père de la révolution cubaine s'il revient au pouvoir.
Première épreuve
de taille pour l'équipe en place: le XIVe sommet des Non alignés, qui se tient à
La Havane du 11 au 16 septembre en présence de quelque 70 chefs d'État et de
gouvernement, mais sans Fidel Castro, qui pourrait toutefois y faire une
apparition-surprise tout en laissant la vedette à son frère Raul.
Au soir
du lundi 31 juillet, les Cubains, médusés et inquiets, avaient appris à l'écoute
de la télévision et de la radio que leur chef depuis 47 ans passait pour la
première fois le pouvoir à son frère pour quelques semaines, le temps de se
remettre d'une délicate intervention chirurgicale des suites d'une hémorragie
intestinale.
Depuis, le régime cubain a traversé le mois d'août en
défiant les pronostics les plus alarmistes sous la conduite d'un Raul Castro
toujours aussi discret qu'à l'accoutumé, entouré d'une équipe réduite de six
personnes, choisies parmi les hommes forts du Parti communiste cubain (PCC,
parti unique) et du gouvernement, entièrement dévoués au maintien de la
stabilité et de la continuité du régime.
Après 13 jours d'incertitudes,
traversés de mille rumeurs sur l'état de santé réel de Fidel Castro, le doute a
été enfin levé le jour de l'anniversaire de ses 80 ans, le dimanche 13 août,
avec une première série de photos le montrant dans une chambre, au téléphone ou
lisant le journal, en survêtement aux couleurs nationales.
Le lendemain,
une vidéo de sept minutes était diffusée à la télévision, où, contrairement à la
veille, on le voyait allongé sur un lit d'hôpital, recevant le président
vénézuélien Hugo Chavez, son «fils spirituel», et son frère Raul.
Dans un
message, Fidel Castro invitait à la prudence sur son état de santé, prévenant y
compris qu'une «mauvaise nouvelle» pouvait tomber à tout
moment.
Officiellement, le 2 décembre, anniversaire des 50 ans de son
débarquement du Granma, prélude à sa victoire de 1959, est la date à laquelle il
a invité le pays à fêter ses 80 ans et qui pourrait marquer le début de son
retour aux affaires.
Mais pour la grande majorité de la population, il
est peu probable que le vieux chef révolutionnaire puisse continuer, après une
opération aussi lourde, à gérer le pays dans ses moindres détails comme par le
passé.
En ce sens, diplomates et observateurs s'accordent généralement à
penser que le «rodage» de l'équipe actuelle, véritable «répétition générale»
pour le jour fatidique de la disparition de Fidel Castro, pourrait être amené à
durer.
Ministre de la Défense, Raul Castro n'est sorti à son tour de son
long silence que cinq jours après l'anniversaire de son frère, en accordant une
seule interview à la presse officielle dans laquelle il confirmait les mesures
de mobilisation militaire en prévision d'une hypothétique invasion
américaine.
De fait, tandis que le tourisme n'a pas déserté l'île, la rue
cubaine est restée calme, suspendue aux rares informations sur la santé de
«Fidel» et dans l'expectative sur son frère, un personnage mal connu et souvent
redouté des Cubains pour son influence sur la puissante police du
régime.
Dans ce contexte, le sommet des Non alignés devrait marquer la
première sortie sur la scène internationale de l'équipe mise en place depuis le
31 juillet, avec Raul Castro en chef d'orchestre, appuyé par le chef de la
diplomatie cubaine, Felipe Perez Roque, l'un des six désignés par Fidel Castro
pour l'intérim, à côté notamment du vice-président Carlos Laje ou de la «vieille
garde» représentée José Ramon Balaguer, ministre de la Santé, ou José Ramon
Machado.
Mais d'ores et déjà, la plupart des diplomates à La Havane sont
convaincus que Fidel Castro ne manquera de faire une brève sortie pour saluer
ses pairs, ou d'en recevoir quelques-uns à son chevet.
http://www.cyberpresse.ca/article/20060830/CPMONDE/608300492/1014/CPMONDE