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(Pas le) Centre Ernesto Che Guevara
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23 août 2006

A Cuba , le silence des ombres

A Cuba , le silence des ombres
Le 23-08-2006 à 10:52

Dans un article publié par le quotidien espagnol "El Mundo", et repris par "Le Monde", le journaliste et poete Raul Rivero analyse la situation à Cuba.

Hugo Chavez se lamente au Vietnam ; Evo Morales sort son mouchoir rouge du poncho ; le président chinois, Hu Jintao, tape sur son ordinateur un télégramme triste que lui dicte Mao ; il y a des fêtes, des défilés et des discours à Miami ; des hommes et des femmes donnent leur avis à Mexico, Madrid et Buenos Aires. A Cuba, personne ne dit rien. Il y règne un silence plus grand que la nuit et à la télévision officielle un enfant murmure : "Les médecins vont le guérir. C' est un homme bon."

C'est tout. Là-dessus coulent le sirop tropical du triomphalisme et la chanson de l'éternité. Jusque dans ces moments-là, ou plus que jamais dans une telle circonstance, les contrôles, les fers, les cadenas qui enferment les 11 millions de Cubains sautent aux yeux.

La passation de pouvoir dans l'île et la soudaine gravité de l'état de Fidel Castro provoquent des réactions dans le monde entier. Sauf dans le pays qui l'a supporté pendant un demi-siècle, sauf dans les foyers où vivent les membres restants des familles dispersées, sauf sur les lieux de travail où les employés oeuvrent pour un salaire de misère, sauf dans les unités militaires où nombre d'officiers et de soldats plongent dans des pensées profondes.

Le gouvernement contrôle la parole et ce peuple n'y a pas droit. Dans aucune circonstance. De même qu'il n'a rien à voir dans aucune cérémonie sociale, dans aucun événement en rapport avec son présent ni avec son avenir. Le peuple est une ombre que l'on sort dans la rue pour qu'elle prenne peur et à qui l'on ordonne ensuite de rentrer pour que croisse cette peur. Une masse informe à qui l'on ment pour qu'elle s'endorme.

L'opposition pacifique, la presse indépendante, les militants des droits de l'homme, les démocrates qui se sont montrés de face, à visage découvert ? Cernés, surveillés, traqués jusque dans leur maison, le téléphone sur écoutes et une brigade paramilitaire en faction au cas où ils veuillent s'aventurer au coin de la rue. Une telle paix semble peu croyable, à moins qu'elle ne vienne de la contrainte ; une telle tranquillité, si les gens ne savaient pas - pour l'avoir vécu - que derrière le discours d'amour, il y a un tank. Tout comme derrière l'obsession à fabriquer des médecins et à inventer des instituteurs en deux semaines seulement se cache le mépris pour la santé et l'éducation. C'est un étendard sombre que l'on éclaire d'une lumière artificielle quand on le montre au monde.

Jusqu'à maintenant, il est vrai qu'ils ont pu conserver leur goût du secret, les mystères, les pièges, les manipulations possibles dans une société dont 70 % des citoyens (nés après 1959) n'ont jamais vécu en démocratie, ne connaissent pas la liberté et sont bourrés de propagande. Mais il semble que puisse venir la dernière saison du mystère, des barrages, des masques parce que les dictatures personnelles sont ce qu'elles sont : des dictatures et personnelles. Elles ne se partagent pas comme une liasse de billets ou comme un butin dans une bande de pirates.

Ecoutez bien les derniers silences du communisme créole parce qu'ils ne reviendront pas. Ecoutez-les bien, là-bas, sous la terreur policière.

Parce que l'on sait qu'un chemin vient de s'ouvrir et que des milliers d'hommes et de femmes parcourent maintenant leurs labyrinthes avec cette philosophie pragmatique des vieux bagnards : faire des petits pas et voir loin

Raul Rivero

Raúl Rivero est né en 1945. Après des études de journalisme à l’université de La Havane, il se met au service de la révolution de Fidel Castro, et entre à l’agence de presse officielle Prensa Latina. Sa rupture avec le régime castriste date de la fin des années 80 : en 1989, il quitte l’Union des écrivains et artistes cubains, et signe en 1991 " La lettre des 10 ", pétition demandant à Fidel Castro des élections libres et la libération des prisonniers politiques. En 1995, il fonde l’agence indépendante Cuba Press. Il est aujourd’hui le seul cosignataire de " La lettre des 10 " à demeurer à Cuba, en dépit des pressions, des menaces et des arrestations : " dans l’espace qui existe entre partir et revenir, il faut fonder la permanence, parce que rester sera toujours un antidote contre le désenchantement et un venin contre l’oubli ". Sa liberté de circuler a été restreinte, il a été séquestré et menacé à plusieurs reprises, sa famille intimidée et ses documents confisqués. Depuis le mois de mai 2000, il faisait partie de la Société de Journalistes " Manuel Marquez Sterling ", qui s’est donné pour mission la promotion de la liberté d’expression et d’information, ainsi que la formation professionnelle de journalistes cubains.

Au printemps 2003, le journaliste Raul Rivero a été arrêté avec 28 de ses collègues et condamné à 20 ans de prison. Libéré pour raisons de santé en novembre 2004, il vit en exil en Espagne.

http://www.cubantrip.com/actu/news_suite.php?id_news=299

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