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(Pas le) Centre Ernesto Che Guevara
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23 août 2006

Prudence calculée envers Cuba

Prudence calculée envers Cuba, par Thomas Ferenczi

LE MONDE | 17.08.06 | 13h55  •  Mis à jour le 17.08.06 | 13h55


Depuis l'hospitalisation de Fidel Castro, l'Union européenne s'est gardée de tout commentaire sur la situation à Cuba. Officieusement on se contente, à Bruxelles, de souhaiter au président cubain, à titre personnel, un prompt rétablissement et d'appeler une fois de plus au respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à la libération des prisonniers politiques, à l'application des règles du pluralisme démocratique. On se dit prêt à reprendre le dialogue politique avec les dirigeants de l'île et à aider celle-ci à assurer la transition vers la démocratie, à condition que La Havane fasse un geste dans la bonne direction. Pour le moment, on préfère s'abstenir de toute initiative précipitée.

La position officielle des Européens à l'égard de Cuba a été réaffirmée le 12 juin, avant la maladie de Fidel Castro, par les ministres des affaires étrangères. Elle se fonde, ont-ils rappelé, sur un "engagement constructif" et un "dialogue critique". Le dialogue avec La Havane devra porter "notamment" sur la question des droits de l'homme, mais les autorités cubaines devront d'abord apporter des "améliorations concrètes" à la situation dans ce domaine. Les Vingt-Cinq mentionnent en particulier le libre accès à l'information, la liberté d'expression, d'association et de réunion, la protection de la vie privée, la garantie de procès en bonne et due forme.

En juin 2003, pour protester contre la condamnation de 75 opposants à de lourdes peines de prison, l'Union a décidé de limiter les visites gouvernementales de haut niveau, de réduire sa participation aux événements culturels et surtout d'inviter des dissidents aux cérémonies organisées pour les fêtes nationales. Ces bonnes résolutions n'ont pas tenu longtemps. Sous la pression du nouveau chef du gouvernement espagnol, José Luis Zapatero, les sanctions ont été suspendues en janvier 2005. En juin 2006, les ministres des affaires étrangères ont confirmé cette suspension et choisi de la proroger jusqu'à la prochaine évaluation de leur position commune, en juin 2007. Dans le même temps, l'Union a exprimé sa volonté d'intensifier ses relations avec l'opposition pacifique et la société civile.

Ces hésitations témoignent de la difficulté qu'éprouvent les Européens à choisir clairement entre deux attitudes. L'Union veut à la fois manifester son désaccord avec les violations des droits de l'homme et ménager l'avenir. Elle ne se fait aucune illusion sur un possible changement du comportement de Fidel Castro, mais elle n'exclut pas que ses successeurs se montrent plus souples. "La meilleure manière de faire évoluer un régime politique est par la présence, le dialogue et la coopération", a souligné il y a quelques jours le président du Parlement européen, Josep Borrell.

Certes, comme l'ont souligné les eurodéputés en février, le revirement de l'Union n'a eu aucun effet sur les dirigeants cubains. Mais la disparition du dictateur pourrait, selon les Vingt-Cinq, permettre une évolution qu'il convient d'encourager pour éviter, le moment venu, un dangereux chaos.

Un tel pari n'est pas sans risques. L'UE mise davantage sur les hommes qui constituent aujourd'hui l'entourage de Fidel Castro que sur les dissidents. "Pourquoi est-il si difficile de soutenir les forces démocratiques à Cuba alors qu'il est possible de le faire en Biélorussie ?", a demandé une députée suédoise, Cecilia Malmström. Le Parlement s'est toujours montré actif dans la défense des opposants cubains. Il a attribué le prix Sakharov, qui récompense les militants des droits de l'homme, au dissident Oswaldo Paya en 2002 et aux "dames en blanc", épouses, soeurs ou filles des 75 condamnés politiques, en 2005.

Les élus des anciens pays communistes sont au premier rang de ce combat. On peut comprendre qu'ils jugent plutôt malvenue la prudence calculée de l'Europe.


Thomas Ferenczi

Article paru dans l'édition du 18.08.06

 

http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3232,36-804107,0.html

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