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(Pas le) Centre Ernesto Che Guevara
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21 mars 2006

Après Fidel, le déluge...

Le samedi 18 mars 2006

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Photo Martin Chamberland, La Presse

L'APRÈS-FIDEL SE PRÉPARE

Après Fidel, le déluge...

Isabelle Hachey

La Presse

La Havane

Certains dictateurs font ériger leur statue dans tous les parcs que compte leur pays. À Cuba, il n'y a pas le moindre petit bronze de Fidel Castro. Pas avant sa mort, a-t-il décrété. D'ici là, le vieux leader continue de prononcer des discours-fleuves, quitte à retarder de plusieurs heures la diffusion des sacro-saints matchs de foot. «Avec ce qu'il nous impose à la télé, pas besoin de statues en plus!» s'exclame un Havanais.

À 79 ans, Fidel Castro semble increvable. Mais celui qui fêtera 50 ans de pouvoir absolu sur Cuba en 2009 n'est pas éternel. On l'a d'abord vu faire une chute spectaculaire en descendant d'une estrade. Puis, la CIA a estimé qu'il souffrait de la maladie de Parkinson, et que ses fonctions mentales pourraient bientôt commencer à se détériorer. Le régime a nié, bien sûr. Mais, en coulisses, la succession se prépare.

«La question n'est pas de savoir s'il y aura des changements ou pas. C'est inévitable. Ce qui se décide en ce moment à Cuba, c'est si ces changements auront lieu pour le bien du peuple et de façon pacifique», dit Oswaldo Paya, l'une des principales figures de la dissidence cubaine, que La Presse a rencontré chez lui à La Havane.

Il flotte donc une odeur de fin de règne, mais l'avenir de Cuba demeure incertain. Assistera-t-on à une succession de type monarchique, où rien ne changera – à part les statues de Fidel que l'on commencera à ériger d'un bout à l'autre de l'île? Doit-on plutôt s'attendre à des tensions, à des règlements de comptes, à une vague de capitalisme sauvage déferlant tout droit de Miami? La Havane sera-t-elle envahie par des McDonald's plutôt que par des monuments à la gloire du Lider Maximo?


Raul et les autres

M. Paya est convaincu que le régime ne survivra pas à la mort de Castro. Depuis trop longtemps, le gouvernement, c'est lui. Et après lui, ça risque fort d'être le déluge. «Ce régime a développé une dangereuse psychologie de la fin. Il n'a pas d'avenir et il le sait. Alors, il veut punir la société en ne lui permettant pas un avenir non plus.»

Les hauts gradés du régime, pourtant, ont tout intérêt à ce qu'il y ait une transition sans heurts, estime Brian Latell, ancien analyste de la CIA pour l'Amérique latine. Les militaires, très impliqués dans la lucrative industrie touristique de l'île, se contenteront fort bien d'une succession dynastique. Selon ce scénario, Raul Castro, 74 ans, ministre de la Défense, prendrait la tête du pays après la mort de son frère aîné.

«Il n'y a pas d'opposition à Raul à Cuba, du moins pas à court terme. Les autres leaders, militaires et civils, vont se rallier à lui parce que ce sera dans leur intérêt. Ils ne veulent pas de violence», dit M. Latell, auteur du livre After Fidel: The Inside Story of Castro's Regime and Cuba's Next Leader.

Dans un plan censé confronter les défis d'un Cuba postcastriste, l'administration Bush estime justement devoir empêcher l'accession au pouvoir de Raul. «La dictature de Castro tente par tous les moyens à sa disposition de survivre et de se perpétuer dans une stratégie de succession. La politique américaine doit travailler à enrayer cette stratégie», lit-on dans ce plan de 400 pages, publié en 2004.

Nationalistes, les Cubains refusent que Washington se mêle de leurs affaires après la mort de Castro. Certes, ils espèrent obtenir plus de libertés, mais pas question de sacrifier leur indépendance. Ils se souviennent trop bien de Batista, dictateur corrompu, qui avait laissé la pègre américaine transformer La Havane en gigantesque casino. Ils craignent l'annexion pure et simple. «Les États-Unis veulent faire de Cuba le prochain Porto Rio», peste Alexis Grela, un barbier havanais.


Tensions possibles

Brian Latell n'exclut pas un scénario plus sombre. Après 50 ans d'oppression et de rancoeurs étouffées, des tensions risquent de surgir. Combien de Cubains, par exemple, voudront régler leur compte aux voisins qui les ont dénoncés?
«Si la loi et l'ordre commencent à foutre le camp, il pourrait y avoir des exilés de Miami qui retourneront à Cuba pour tenter d'influencer les événements, dit-il. Alors, la situation risquerait de devenir très précaire.»

Peu après avoir pris le pouvoir, en 1959, Castro a nationalisé toutes les entreprises de l'île sans compensation. La bourgeoisie cubaine qui s'est enfuie à Miami attend toujours sa revanche. Le rapport présenté par l'administration Bush en 2004 fait état de 6000 demandes de réparation pour les expropriations effectuées par le régime castriste. Les plus pessimistes prédisent une guerre civile si les exilés se mettaient en tête de débarquer dans l'île comme des conquistadores pour réclamer leur dû après la mort de Castro.

Oswaldo Paya, président du Mouvement pour la libération chrétienne, fait tout pour éviter un tel désastre. Une autre voie, entièrement cubaine, est possible, dit celui qui tente de susciter un dialogue national sur l'avenir du pays. «Nous voulons décider de notre propre transition, dit-il. Maintenir ce qui est positif, comme l'éducation et les soins de santé gratuits, tout en ouvrant le pays aux droits et libertés économiques, sans pour autant tomber dans le modèle extrémiste néolibéral.»

«Nous ne voulons plus vivre sous cette oppression, mais nous n'avons pas besoin d'une intervention étrangère, conclut M. Paya. Nous croyons pourtant que le changement est possible et que nous n'avons pas à nous entretuer.»

http://www.cyberpresse.ca/article/20060318/CPMONDE/60317094/5682/CPMONDE

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